A tous ceux qui affirment que le Rock n’a plus rien d’intéressant à proposer en 2023 (ceux qui ne lisent pas Benzine, donc…), expliquons que choisir 10 albums en respectant les coups de cœur de l’équipe de rédaction a été littéralement « mission : impossible », tant il s’est vite avéré impensable de descendre en dessous de 20. La décision finale a donc été prise en privilégiant – à quelques rares exceptions près – les groupes et les artistes moins connus…
Durant ces trois derniers mois, l’équipe Benzine a donc aimé ces 10 albums, classés par ordre alphabétique de leurs auteurs :
Ben Folds – What Matters Most
Vétéran de la pop des années 90, avec le Ben Folds Five, l’Anglais Ben Folds continue sa carrière dans une relative discrétion. Ce descendant direct des Beatles, des Beach Boys ou d’Elton John, fait paraître aujourd’hui son cinquième album, le premier depuis le très réussi So There en 2015. On retrouve ici sa science des harmonies et des arrangements à travers des compositions sophistiqués, mais jamais ennuyeuses, aux influences, pop, soul, soft-rock. Du Grand Art ! (New West Records)
James Ellis Ford – The Hum
C’est le genre d’album, il y a une vingtaine d’années, que l’on n’aurait jamais imaginé pouvoir retrouver sur le catalogue du label anglais Warp Records. Pourtant, James Ellis Ford vient d’y faire paraitre son premier LP. The Hum est un disque de pop avec un large spectre, incluant des influences ambient aussi bien que New wave, pop 60’s ou orientales. Il faut dire que le garçon (membre du duo Simian Mobile Disco) a suffisamment d’idées et d’expérience, que ce soit en tant que musicien ou producteur, pour imaginer un album tel que celui-ci, à la fois simple et complexe, à la fois facile à écouter et exigeant. (WARP)
Chloe Gallardo – Defamator
Defamator est une superbe réussite pour un premier album : des mélodies imparables, des accompagnements intelligents et racés. Des chansons douces, chantées d’une voix presque indifférente, mais qui sont vraiment noires et hérissées d’épines. Et une intensité incroyable, l’air de ne pas y toucher. Car on imagine bien Chloe Gallardo chanter en donnant des coups de pieds à des cailloux, en pensant à autre chose, dire ce qu’elle a sur le cœur et qui lui trouble l’âme, mais sans se laisser emporter, dévorer par ses sentiments. Ne jamais se départir d’une certaine distance par rapport à ce qui doit être raconté… ce qui a pour effet d’accentuer le choc de la violence des mots et de nous rapprocher encore plus d’elle… (Taxi Gauche Records)
Laurent Garnier – 33 tours et puis s’en vont
33 Tours et puis s’en vont, le nouveau disque de Laurent Garnier, fera vite oublier celui de sa collaboration avec The Limiñanas. Autour de la house et de la techno, l’ambiance y est hypnotique et hédoniste. Et que dire du duo avec feu Alan Vega sur Saturn Drive Triplex ? Tout simplement magique ! Une fois de plus, Laurent Garnier est le boss ! (Cod3 Qr)
Grandbrothers – Late Reflections
C’est à la nuit tombée, au beau milieu de la cathédrale de Cologne, que le duo allemand Grandbrothers a enregistré Late Reflections. Plus organique, audacieux et bouleversant que jamais, ce quatrième album est celui du rendez-vous de deux compositeurs de génie avec l’Histoire. Et si Grandbrothers versent plus dans l’expérimental sur cet album, leur identité reste tout à fait reconnaissable : voici une nouvelle aventure épique d’un duo infiniment inspiré et inspirant, qui d’un lieu chargé d’histoire a fait son terrain, voire son partenaire d’expérimentation. (City Slang)
HMLTD – The Worm
Sur The Worm, le nouveau concept-album de HMLTD, un vers géant menace d’engloutir la Grande-Bretagne. C’est sans compter Henry Spychalski et ses preux cosmopolites, revêtus de leurs plus belles côtes de mailles, qui s’en vont pourfendre la bête. The Worm obéit à une cohésion interne qui en fait un projet typé, au son très marqué, dont nous ne pouvons que saluer l’audace de vision. Une fois de plus, il nous faudra nous armer de patience avant de pouvoir statuer plus précisément sur la trajectoire d’un groupe qui, à chaque fois, nous surprend tout en conservant notre curiosité. C’est énorme. (Lucky Number)
King Krule – Space Heavy
Quatrième album du très singulier Archy Marshall aka King Krule, Space Heavy revient aux fondamentaux de celui qui nous avait tant étonné et séduit en 2013 avec Six Feet Beneath The Moon. On s’y régale de son « spoken word » rauque, de ses guitares réverbérées, d’un sax énervé et des arrangements trip-hop sous influence jazzy. De plus, par rapport à ses prédécesseurs, qui pouvaient paraître parfois un peu uniformes sur la durée, Space Heavy a gagné en profondeur musicale, se nourrissant sans doute d’influences plus diverses, y compris apportées par le producteur Dilip Harris, et par les membres du groupe live Ignacio Salvadores, George Bass, James Wilson et Jack Towell… (XL Recordings)
Queens of the Stone Age – In Times New Roman…
Quand le prince de Joshua Tree et ses Reines de l’Âge de Pierre défient leurs démons pour mieux les embrasser, le résultat est aussi menaçant que sensuel. In Times New Roman… sonde les ténèbres, comme pour mieux faire briller la valeur d’un groupe inégalé dans sa catégorie. In Times New Roman…est bien trop bon pour n’être consommé qu’avec modération. Qu’importe que Rome brûle ! C’est en émergeant des flammes, roussi et réjoui, que l’on comprend à quel point le jeu en vaut la chandelle. Au point de déclencher un incendie ? Plutôt deux fois qu’une. On replongera donc dans le brasier avec ferveur et sans hésitation. (Matador)
J.E. Sunde – Alice, Gloria and Jon
Il aura fallu attendre 3 ans pour que l’un des plus brillants songwriters actuels, J.E. Sunde, nous offre une suite à 9 Songs About Love, mais l’attente n’aura pas été vaine : Alice, Gloria and Jon, son quatrième album, s’ouvrant intelligemment vers des sonorités plus variées tout en approfondissant son style pop, est une pure merveille. Tiens, s’il n’était pas aussi rebattu et utilisé à tort et à travers, on parlerait bien de chef d’œuvre… et puis Jon Edward Sunde est bien trop modeste, et intelligent aussi, pour qu’on lui passe une brosse à reluire aussi grossière. (Vietnam)
Tenhi – Valkama
Et si le disque de l’année 2023 était un disque Dark Folk ? Et si quand la beauté frappe (aussi fort…), on ne pouvait que s’incliner ? A l’écoute de Valkama (que l’on pourrait traduire par « port » ou « abri »), l’album tant attendu des Finlandais néofolk de Tenhi, on ne peut que s’avouer vaincu par la splendeur absolue de ces errances crépusculaires, atteignant une universalité qui est celle de la contemplation de notre condition d’humains et de mortels. (Prophecy Records)
Depuis maintenant très longtemps, j’avais pris l’habitude de suivre l’actualité musicale en consultant votre site, en plus de mes lectures comme Soulbag, Bluesmag ou encore les Inrockuptibles et un survol du site SensCritique. Mais aujourd’hui avec cette liste des « 10 albums « Pop / Rock » à retenir de ce second trimestre 2023 » vous m’avez perdu. Trop proselytiste, trop intellectuelle et peu accessible pour le commun des mortels que je suis, cette liste heureusement ne reflète pas la diversité et le côté accessible et enjoué de la musique parue ces derniers mois.
Je comprends ton point de vue, et je reconnais que nous avons eu du mal à trouver des albums qui fédèrent la rédaction de Benzine, cette fois. A part le QOTSA… Bref, nous avons fait le choix, comme j’essaie de l’expliquer dans l’introduction de l’article, de parler d’albums que nous aimons mais qui proviennent d’artistes ou de groupes moins connus. L’idée n’est pas d’être élitistes, mais d’essayer de faire découvrir d’autres choses à nos lecteurs. Ceci dit, je prends note de ta remarque et nous essaierons le trimestre prochain d’être un peu plus équilibrés ! Merci en tous cas pour ton commentaire !
Ne changez rien, les gars. Découvrir, c’est pour ça que je retourne à votre site. Pas pour me voir confirmer ce qu’on trouve partout ailleurs, ce qui va faire l’unanimité.
10 albums ici = aussi pour moi 7 bof…
Mais 1 intrigant et 2 révélations! Mission accomplie en ce qui me concerne. Pas pcq vous avez confirmé mon bon goût, mais pcq vous assumez le risque de laisser s’exprimer les individus plutôt que de chercher à plaîre à tous.
Merci pour ce commentaire qui fait très plaisir. Il est vrai qu’il est toujours difficile de trouver le juste milieu entre découverte et élitisme. En fait, la solution est d’écouter notre coeur !