Pourquoi avons-nous tant besoin de pères spirituels ? Pourquoi le rock’n’roll génère-t-il tant de héros qui remplissent notre vie de rêves ? Pourquoi ces pères et ces héros nous déçoivent-ils tellement, pour la plupart, quand les années passent ? Tuer nos pères et puis renaître ne répond pas à ces questions, en fait, mais nous démontre par l’exemple qu’il arrive un moment où il nous incombe de faire le ménage dans tout ça.
On avait pris l’habitude de se régaler en lisant les mini chroniques de la vie dans le rock’n’roll d’Adrien Durand (Je n’aime que la musique triste et Je suis un loser, baby (en finir ou pas avec les années 1990), deux bouquins délicieux…), quand boum patatras, voilà qu’il nous sort ce Tuer nos pères et puis renaître, qui a tout du dernier règlement de comptes avant de « passer à autre chose »… Autre chose ? De la vraie littérature ? En tous cas de la fiction, un premier roman étant annoncé.
Mais en attendant… Ces pères qu’il convient de tuer pour pouvoir exister, qui sont-ils ? Oh, pas le vrai géniteur de Durand dans la vie, puisque même si leurs rapports ne semblent pas avoir toujours été au beau fixe, Adrien en a pris son parti : le temps de la rancune est passé. Surtout depuis que lui-même est père, divorcé qui plus est, ce qui l’emplit d’angoisse puisqu’il ne peut « éduquer sa fille que 50% du temps ».
Non, les pères dont il convient de se débarrasser une bonne fois pour toute, pour pouvoir recommencer une autre vie, nous dit Adrien Durand, ce sont bel et bien les modèles rock’n’rolliens, ces héros de nos jeunes années : tel acteur jadis doué ayant très mal tourné (Vincent Gallo pour ne pas le citer), tel rocker has been aux exigences démesurées par rapport à la réalité de son succès, tel poète qui fut un modèle jusqu’à ce qu’on réalise que cette poésie-là ne change pas nos vies aussi radicalement qu’on l’aurait imaginé (Richard Hell)… Et, en lisant sa mini nouvelle sur de bien étranges vampires, on croirait presque que Durand veut aussi régler son compte à nos souvenirs des textes similaires (des « Bricoles ») d’un Paringaux dans le Rock et Folk des années 70… mais, du point de vue temporel, c’est assez peu probable quand même.
Bref, le talent d’Adrien Durand est bien là, et il nous fait rire, pleurer et grincer des dents avec une facilité honteuse : on est juste un peu plus réservés que d’habitude du fait de l’atmosphère de liquidation générale qui règne ici. Et, vu le talent de « l’animal », on attend avec d’autant plus d’impatience la suite des aventures d’Adrien, ex-fan de Rock et bientôt écrivain « sérieux » à plein temps.
PS : Nous avons un peu honte de vous parler et de vous donner envie d’un livre paru en tirage limité de 666 exemplaires, numérotés à la main, et qui semble ne plus être disponible à l’heure où nous écrivons ces lignes. Si c’est confirmé, alors ce sera là le dernier geste rock’n’roll d’Adrien Durand !
Eric Debarnot