Dans le cadre du Festival Days Off où ils jouaient l’intégralité de leur second album, Antics, Interpol ont maintenu la flamme de leurs nombreux et fidèles fans.
Autour d’Interpol, à l’affiche du Festival Days Off cette année où ils doivent jouer leur second album, Antics, il y a débat : certains regrettent les débuts du groupe – jusqu’au quatrième album – et déplorent qu’Interpol ne soient plus que l’ombre d’eux mêmes. Il est vrai que cette tendance très typique de notre époque de jouer dans son intégralité (et dans l’ordre !) un album de jeunesse fait plus « tribute band » qu’autre chose, à destination d’un « public d’EHPAD »… D’un autre côté, quand on constate de visu la passion des fans – de tout âge – du groupe, qui le suivent à travers l’Europe, voire le monde, la pertinence de leur musique reste indéniable, d’autant que le dernier album sorti, The Other Side of Make-Believe, est plutôt bon. A ce propos, devant les portes extérieures de la Philharmonie, vocifère une jeune Coréenne qui a reporté son retour au pays – ce qui lui a coûté 3000 €, d’après elle – et qui attend depuis plusieurs heures pour pouvoir entrer la première : pas un comportement de résidente d’EHPAD, ça…
Comme redouté et comme c’est fréquent à la Philharmonie (et ça aura été très malheureux pour notre voisine coréenne), l’ouverture des portes (intérieures) est chaotique et absolument non coordonnée, ce qui fait que de nombreux fans arrivés tôt et massés devant l’une des portes n’arriveront pas à assurer le premier rang dans la fosse, à leur grand désespoir. Il faudrait quand même que la Philharmonie, si elle continue à accueillir des concerts avec fosse debout, réussisse à gérer un peu mieux l’entrée du public !
Il est 20h00, et c’est Jehnny Beth qui assure la première partie, ce soir. Jehnny Beth, en dépit de son pédigrée « rock » impeccable (avec Savages…) ne jouit pas d’une grande popularité, et on lui reproche souvent son arrogance et sa visibilité dans les « cercles branchés ». Bon, c’est un mauvais débat, mieux vaut juger de ce qu’elle donne sur scène, et nous étions restés sur le bon souvenir de sa prestation flamboyante à Rock en Seine en 2022. Si l’obscurité de la Philharmonie lui convient mieux a priori que le soleil brûlant d’un après-midi au Parc de Saint Cloud, le set sera malheureusement un peu décevant : le contact avec le public s’avère finalement moins facile, et l’on aura ressenti plus durement que l’année dernière l’absence de morceaux vraiment forts, de chansons qui traduisent réellement la forte personnalité de la dame. Il faudra attendre par exemple 15 minutes avant qu’un premier beat électronique un peu excitant n’émerge d’une musique qu’on pourra qualifier – méchamment, peut-être – d’informe ! Même More Adrenaline, qui avait permis d’enflammer la fosse de Rock en Seine, ne fonctionne pas aussi bien que prévu, ce soir. A noter toutefois un nouveau titre, The Amazing Life, plus convaincant. Le set durera 45 minutes, bénéficiant de la belle présence scénique de Jehnny (et de ses deux complices, très spectaculaires), mais souffrant de l’absence de chansons réellement structurées.
21h10 : On nous avait prévenus : cela allait être difficile de prendre des photos d’Interpol ce soir, le groupe ayant choisi (une fois encore) une semi-obscurité baignée de lumières rasantes placées face au public, et épisodiquement traversée de rayons réfléchis par des boules à facettes placées au niveau du sol. Et en effet, il sera à peu près impossible de photographier Paul, Daniel et leurs musiciens, ce soir.
Sans surprise, c’est Next Exit qui ouvre le bal, annonçant l’interprétation de l’intégralité d’Antics. Ce qui signifie que l’une des meilleures chansons du groupe, Evil, sera jouée en seconde position, et qu’elle nous manquera plus tard, quand il s’agira de monter en puissance ou de terminer le set de manière mémorable… Bon, faisons contre mauvaise fortune bon cœur, et reconnaissons que le son est excellent, qu’Interpol ont retoqué les chansons de 2004, rajoutant pour les fans un léger effet, sinon de surprise, mais au moins de « redécouverte ». Et aussi que ce genre d’exercice permet d’entendre en live des chansons qui ne font plus partie depuis longtemps des setlists : A Time to Be Small, la conclusion de l’album n’aurait pas été jouée sur scène depuis 2007, a priori !
Un concert d’Interpol, on le sait, est avant tout soumis à l’état d’esprit de Paul Banks, qui peut gâcher n’importe quelle soirée s’il est de méchante humeur. S’il aura gardé ce soir, fait très significatif, ses lunettes durant l’intégralité du set (ce qui dénote normalement que ce n’est pas un bon soir pour lui), il se sera exprimé à plusieurs reprises en français, et a semblé raisonnablement heureux d’être là, à Paris ! Et puis, le concert aura quand même duré presque une heure et vingt-cinq minutes, ce qui est bien pour le groupe.
On pourrait dire, au risque de s’attirer les foudres des « vrais fans » du groupe, que les choses ont complètement pris forme, après une pause rapide de 5 minutes, avec une seconde partie, composé de huit titres, dont cinq (quand même !) provenant du premier ou du troisième album du groupe : tout en confirmant l’aspect « nostalgique » du concert, ces dernières quarante minutes ont montré un groupe faisant preuve d’une belle énergie. Daniel Kessler, en particulier, a été brillant à la guitare et a régulièrement injecté aux chansons une passion qu’on aimerait plus systématique chez Interpol. Pioneer to the Falls a été particulièrement émouvant, et PDA en conclusion, a rappelé que la musique d’Interpol pouvait encore sonner de manière « urgente », après toutes ces années.
Et pour celles et ceux qui se sont posés la question, sans doute la plus importante : ce soir, les chaussettes de Daniel étaient rayées noir et blanc… ce qui ne laisse pas d’être une vraie faute de goût !
Texte et photos : Eric Debarnot
[Live Report] Interpol et Orlando Weeks à la Salle Pleyel : le spectre de la beauté…
Super article sur le concert (j’y étais)…
Juste une petite correction sur le rappel, Antics étant le deuxième album d’Interpol, aucune des chansons n’a été jouée pendant ce rappel..
C’était plus des chansons du premier et troisième album (voir quatrième – le dernier vraiment bon-)
Merci pour cette remarque tout-à-fait pertinente et désolé pour cette faiute de frappe (ou presque…). Je rectifie…
J’étais à ce concert et ce fut un cauchemar au niveau sonore… Le son pas assez fort d’une manière générale, un vrai gachis + la voix de Paul bien trop sous-mixée avec un équilibre sonore trop hasardeux entre tous les instruments pour nous faire vibrer. Qui a entendu les synthés par exemple ????
Et puis bon, ils ont joué les titres à l’identique de l’album.
Aucun intérêt ce live.
Après tout le monde avait l’air content, donc effectivement pourquoi se fouler plus…
Je suis relativement d’accord avec ton analyse, et c’est vrai que les fans du groupe ne sont pas toujours très exigeants. Le concert de Pleyel était bien meilleur, il me semble. Ceci dit, ce n’était quand même pas aussi mauvais que tu le dis – il est vrai que nous étions placés au premier rang à la barrière devant Daniel, qui est toujours intéressant à regarder, et où le son était assez bon…