On attendait Ditz, et ce sont les Montréalais de PyPy qui ont volé la vedette lors de la seconde soirée du festival Garage MU, avec un set particulièrement impressionnant. On vous raconte…
Pendant qu’une bonne partie des fans de bonne musique se sont exilés dans le Sud au Festival Pointu (et vivent apparemment des journées de véritable chaos !), nous, qui sommes restés dans la chaleur étouffante de l’été parisien, pouvons au moins écouter de belles choses au Festival Garage MU, qui se tient dans le site sympathique de la Station – Gare des Mines. Sur les deux soirs, on a préféré privilégier la soirée « punk », avec une priorité, qui est de voir Ditz, la dernière « merveille » venue de Brighton. Mais, et c’est ça la beauté de la musique live, la réalité de la soirée va différer de nos attentes…
21h : la soirée commence donc avec Ditz, que l’on attendait plutôt en tête d’affiche. Heureusement, en dépit de la chaleur qui règne sur Paris et des départs en vacances ce week-end, il y a un public suffisant pour accueillir la sensation actuelle du post-punk anglais. Deux guitares qui cisaillent bien, une basse au son distordu littéralement colossal, un batteur déchaîné, tout cela permet à Ditz de jouer une musique brutale mais aussi largement déstructurée… sur laquelle se promène Cal, le chanteur, coiffé et vêtu de manière féminine (ce soir, c’est nuisette rose et légère, chaleur oblige !). L’une des caractéristiques de Ditz, c’est l’attitude systématiquement blasée et distante de Cal, ce qui est très british punk, finalement. Musicalement, Ditz, c’est parfois très impressionnant, tout en sachant que le but n’est pas de satisfaire le public, mais de le secouer dans ses habitudes. Cal ne donne jamais l’impression d’être vraiment impliqué dans la musique, même s’il passe beaucoup de temps hors de scène, dans le public, mais aussi perché un peu partout. On a l’impression que Cal se prend plus pour un chat que pour un chanteur de rock, passant son temps à grimper dans des coins impossibles de la salle, au risque de ne pas pouvoir en redescendre (un chat, on vous dit !). La fin du set de 50 minutes est particulièrement explosive, avec l’enchaînement de Hehe, Teeth et No Thanks, Im Full, comme sur l’album… même si les fans regretteront l’absence sur la setlist de Clocks, l’un de leurs titres favoris. Nous, nous déplorons le manque d’urgence du set, par rapport à l’album The Great Regression, largement dû à l’attitude du chanteur qui ne semblait pas vraiment concerné.
22h15 : quinze minutes de retard déjà, ce qui ne laisse rien présager de bon pour la fin de soirée… Après le festival Levitation où elles avaient été amusantes mais finalement pas très passionnantes, on n’avait pas très envie de revoir Lambrini Girls. Et on avait raison, vu qu’on a assisté à exactement le même cirque ce soir qu’à Angers, quasiment au mot près. Très peu de musique, beaucoup de harangue de la foule, d’organisation foireuse de mosh pits, de slogans que l’on demande au public de brailler. Heureusement, les copains de Ditz viennent aider les acrobaties… et on comprendra que Cal et Phoebe, la chanteuse / guitariste des Lambrini Girls se sont lancé le défi de savoir qui montera le plus haut vers le toit de la salle… Heureusement, pendant que Phoebe joue à l’agitatrice, le batteur (oui, il y avait un homme sur scène, heureusement travesti !) assure. Et le public, qui doit les voir pour la première fois, est content. Il y a des gens, après 50 minutes de néant, qui sont contents parce qu’ils trouvent ça « punk ». Sans réaliser que c’est exactement le contraire du punk : un manque total de spontanéité et d’énergie ! Répéter les mêmes slogans, les mêmes gestes, les mêmes caricatures, c’est tout sauf servir la cause – juste – pour laquelle elles veulent lutter. 50 minutes chaotiques mais dans le mauvais sens du terme, et finalement pas si sympathiques que ça.
23h40 : Après ce moment assez accablant, on reste sans trop savoir quoi attendre de PyPy (bon, on a pris une bière avant le concert avec Annie-Claude, la très sympathique chanteuse du groupe, et discuté de la vitalité de la scène montréalaise…). Un ami nous a rappelé qu’Annie-Claude a un passé de redoutable « trublionne » avec le groupe Duchess Says, ce qui est très bon signe… Et de fait, dès les premières notes de Pagan Day, un sentiment de bonheur infini se répand dans la salle pourtant fourbue par la chaleur et les excès qui ont précédé : ce metal psyché et punkoïde traversé de soli de guitare virtuoses et porté par le chant déterminé d’Annie-Claude, c’est exactement ce qu’il nous fallait pour restaurer notre foi en la musique !
Bon, le mélange d’intensité quasi surnaturelle de la chanteuse et de sympathie immédiate qu’elle dégage, est assez surprenant, mais après tout – et c’est ce que nos amis britanniques on du mal à comprendre – pas besoin de faire la gueule pour être punk (hein, Cal ?). Et pas besoin de montrer sa culotte pour être une femme forte (hein, Phoebe ?) !
Sur Poodle Wig, le guitariste enfile un masque de caniche blanc, qui rajoute encore de l’étrangeté à la furie musicale que dégage le groupe. L’accélération de New York fait tellement de bien, c’est énorme ! Et à la fin du set, le démentiel She’s Gone atteint enfin les sommets d’hystérie attendus, avec le chant très B-52’s d’Annie-Claude enflammant un riff quasiment glam-rock. Plus le set avançait, néanmoins, plus la musique de PyPy devenait à la fois inqualifiable et presque « classique », une sorte de happening psyché très années 70, avec la guitare qui règne en maîtresse absolue, qui ne rechigne pas non plus à aller vers un funk très dansant (Daffodils, irrésistible…). Et tout ça se termine avec Ya Ya Ya – Psychedelic Overlords, très B-52’s justement, dans un bon délire général : Annie-Claude est descendue à son tour chauffer le public, n’hésitant pas à agripper les réfractaires par le col du t-shirt pour les amener à danser. A noter enfin que, lors du rappel, Annie-Claude s’administrera toute seule une spectaculaire douche de bière, en se vidant une canette de 50 cl sur la tête, et se frottant avec délice le corps, la figure et les cheveux dégoulinants de bière ! Impressionnante, cette jeune femme !
Bon, terminons sur la question qu’Annie-Claude nous a posée, sans nous donner la réponse : « comment ça se prononce, notre nom, en France : païepaïe, pipaïe, païepi ou bien pipi ? ». Le fait qu’elle porte une robe illustrée du symbole π, également peint (ou tatoué ?) sur ses bras, nous donne un indice : oui, en France, ce sera bien « pipi » !
Très belle découverte ce soir, qui fait que, même en sortant exténués, à minuit et demi passé, on remercie les organisateurs du Festival Garage MU pour cette excellente programmation !
Texte et photos : Eric Debarnot