Aftersun, Babylon, Beau is afraid, Burning days, Dernière nuit à Milan, La Montagne, Sur l’Adamant, Tár, The Fabelmans, Trenque laquen. Voici 10 films parus entre janvier et juin 2023 qui nous ont particulièrement touchés.
Aftersun – Charlotte Wells
Aftersun est un exercice de mémoire, délicat et solaire. Mémoire dans laquelle Sophie, le personnage principal, se plonge pour tenter de « comprendre » ce père désormais absent (à la fin la question se posera, évidemment, instinctivement, quant à la nature de cette absence, bien que la réponse ne souffre d’aucune ambiguïté). Plusieurs temporalités, tel un entrelacs mouvant et sensoriel duquel une vérité pourrait émerger, et émergera sans doute, entrent alors en jeu dès l’introduction du film.
Babylon – Damien Chazelle
Damien Chazelle nous raconte le Hollywood des années 20, au moment où le cinéma muet est remplacé par le cinéma parlant. Difficile de résumer en quelques mots Babylon tant le scénario et la durée font de ce film un objet foisonnant, une pièce imposante qu’il faut voir plutôt que raconter. Chazelle célèbre le cinéma en grandes pompes dans un film de trois heures, extrêmement rythmé et plein de musique, racontant l’effervescence de cette époque.
Beau is afraid – Ari Aster
Beau Is Afraid est un film du trop-plein, avec ce que cela suppose d’éclats, de ratés et de ventre mou. Aurait-il été plus impactant, aurait-il mieux fonctionné avec pas mal de coupes, avec, disons, une bonne heure en moins ? Ou tire-t-il au contraire sa puissance de frappe et d’évocation de cette volonté d’excès, d’en faire trop tout le temps, de bourrer ? Oui, non, peut-être, qu’importe !
Burning days – film de Emin Alper
L’écologie, et la corruption sont les thèmes centraux de Burning days, le film abord également, en sous-texte, le thème de l’homosexualité… dans un pays bien accroché à ses traditions, où la domination masculine reste toute-puissante et inébranlable. Sous ses airs western rural, Burning days se révèle être un film extrêmement captivant, qui balade le spectateur en permanence, qui tente en permanence de démêler le vrai du faux.
Dernière nuit à Milan – Andrea Di Stefano
Le réalisateur Andrea Di Stefano signe un polar qui lorgne du côté des films policiers des années 80, mais également avec des influences venues du cinéma de Michael Mann avec notamment ce talent pour filmer la nuit des décors urbains. Un thriller tout à fait captivant, d’une grande efficacité, tendu de bout en bout, sans aucune scène de trop, proposant un scénario ponctué de nombreux rebondissements et de belles scènes d’action, le tout filmé avec beaucoup de maîtrise.
La Montagne – de Thomas Salvador
Si vous considérez que l’un des plus grands bonheurs que peut nous offrir le cinéma, c’est la possibilité de partager l’expérience intime d’un autre être humain, surtout lorsque cette expérience est, ou tout du moins semble, lointaine, à la limite hors de portée. Et si comme tout cinéphile averti, voire blasé, vous appréciez avant tout d’être surpris devant un film, ne manquez pas la Montagne. Nous n’en dirons pas plus ici…
Sur l’Adamant – Nicolas Philibert
Après la réussite commerciale que fut en 2002 le fameux Etre et Avoir, Nicolas Philibert revient avec de Sur l’Adamant, – récompensé par l’Ours d’Or à Berlin, ce qui est relativement exceptionnel pour un documentaire – qui regarde et écoute avec attention et respect des êtres souffrants, incluant également un certain nombre de scènes (remarquables) où l’on peut voir des exemples des activités qui leur sont offertes. Voici donc un documentaire exemplaire, refusant tout facilité : pas de voix off, pas d’explications inutiles, juste de beaux visages (des « gueules cassées », comme il est dit à un moment), jamais de chantage à l’émotion, même si celle-ci s’invite inévitablement…
Tár – Todd Field
Avec patience (le film dure 2h38), avec acuité et férocité, déployant une mise en scène acérée, peut-être un rien austère, Todd Field dresse le portrait de cette femme accusée de harcèlement moral (qui a entraîné le suicide d’une de ses anciennes élèves, avec qui elle a eu une liaison) dont le monde se heurte, se confronte même, à la réalité d’aujourd’hui (réseaux sociaux, wokisme, #MeToo…).
The Fabelmans – Steven Speilberg
L’excellente surprise, même si cela vaut au film des critiques négatives, c’est que The Fabelmans est une œuvre excessivement théorique, qui intéressera surtout les vrais passionnés de cinéma, et surprendra par sa relative sobriété ceux qui s’attendait à voir Spielberg déployer les fastes habituels de sa mise en scène et son sens bien connu du spectacle. En se basant sur son expérience personnelle dans une famille déséquilibrée, puis déchirée, Spielberg théorise la capacité de créer des formes d’art majeures comme la recherche impossible, mais féconde, d’un équilibre (justement…), instable et douloureux, entre folie et goût pour le danger et efficacité hyper rationnelle. Et c’est passionnant !
Trenque laquen partie 1 & 2 – Laura Citarella
Après le fleuve La Flor, le collectif argentin El Pampero Cine persiste et signe au rayon des films aussi fauchés que truffés de rebondissements narratifs. Une femme disparaît et il sera question de femmes qui sont des mystères pour les hommes qui les connaissent, de femmes qui sont des mystères pour d’autres femmes… ou qui les inspirent. Avec l’ombre de Borges dans le côté ludique de la narration et celle de Rivette dans les jeux de pistes du récit.