Se situant dans le prolongement de son récent travail littéraire, I inside the old year dying, le nouvel album de PJ Harvey souffre d’une inspiration trop inégale.
Décembre 1991. Le succès d’Out of Time de R.E.M. sorti en mars et celui de Nevermind publié en septembre ont ouvert la décennie en beauté : ce double triomphe offre la perspective d’une réconciliation entre rock artistiquement exigeant et succès de masse, après une décennie 1980 où ces derniers avaient du mal à cohabiter. Mais en ce mois de décembre un autre coup de tonnerre allait achever l’année, lorsque ma radio cracha Dress de PJ Harvey, diffusée dans le programme de Bernard Lenoir. Suivra Dry, un album qui retrouvait l’esprit du Blues sans passer par le pastiche. Ni même par la part de déconstruction du Nick Cave des débuts. Si le discours critique et médiatique sur les femmes et le rock avait jusque là été dominé par la chasse à la prochaine Patti Smith, il fut alors un temps question de repérer la nouvelle PJ Harvey. A l’époque, on aurait pu penser que PJ avait tout donné avec cet album enragé et franc du collier dans ses textes. Mais à défaut de l’égaler par la suite, PJ Harvey produisit une passionnante carrière en contrepieds, en ligne brisée, faisant d’elle une des figures les plus importantes du rock anglais de ces trente dernières années.
Après ce rappel, venons-en au sujet qui fâche : ce nouvel album. Lequel commence par un trio de titres donnant des fortes envies de sortie d’autoroute. Ce n’est pas que Prayer at the Gate, Autumn Term et l’hommage au King Lwonesome Tonight soient réellement mauvais musicalement. Ils lorgnent vers une ambiance entre univers médiéval et folk horror, et portent en cela la tonalité d’ensemble de l’album. Mais leur écoute est rendue insupportable par les maniérismes vocaux de la chanteuse. L’impression qu’elle auditionne pour les parties chantées de Perceval le Gallois correspond sans doute à l’univers archaïque d’un album prolongeant son travail de poétesse (cf. plus bas). Mais cela n’annule pas le caractère pénible du parti pris. La balade Seen An I redresse la barre. Mais hélas The Nether-Edge évoque le pire du versant expérimental de Radiohead avant que I Inside the Old Year Dying ne soit gâché par ses dissonances. Les reproches faits à The Nether Edge peuvent être réitérés concernant All souls et ce August présent plus loin. Entre les deux, les deux morceaux déjà connus (A Child’s Question August, I Inside the Old I Dying) évoquent de façon assez réussie la PJ des deux derniers albums. A Child Question, July retrouve hélas les travers du début de l’album. En fin d’album, le A Noiseless Noise final rappelle l’art de PJ d’alterner calme et tempête.
Ces dernières années, PJ s’était fortement consacrée à l’écriture, publiant le poème narratif Orlam. Une expérience à laquelle cet album est en partie lié. Ecrit dans un dialecte de son Dorset natal, Orlam racontait la trajectoire d’une enfant rencontrant des êtres surnaturels et construisant son émancipation. Souhaitant d’abord l’adapter au théâtre, PJ Harvey finit par en offrir un prolongement musical. Un album écrit dans le même dialecte, le livret des paroles contenant un glossaire explicatif. Moins axé sur le songwriting que le reste de la discographie de la chanteuse et plus sur une création d’atmosphère, I Inside the Old Year Dying pourrait être qualifié d’album arty, avec la part de péjoratif que contient le terme chez les Anglo-saxons. Il aurait peut être fonctionné comme habillage musical d’un film à la Midsommar/The Wicker Man mais en tant que simple album, il comporte beaucoup trop de montagnes russes pour convaincre.
Ceci dit, il ne s’agit que du premier vrai ratage de l’Anglaise en trois décennies de carrière. On a vu des figures musicales majeures mettre moins de temps à décevoir !
Ordell Robbie
Tout à fait d’accord.
Aucun plaisir à l’écoute
un excellent cru de l’Harvey.
100% d’accord avec vous. J’ai revendu ma place de concert dès que j’ai écouté l’album…
Certainement l’un des meilleurs albums de ces dix dernières années. Profond, mystérieux, maîtrisé en tous points, magique.