Après trois romans noirs de très bonne facture, l’Anglais Joseph Knox revient avec un roman singulier. Sous les allures d’une non-fiction, True Crime Story entremêle fiction et réalité dans un récit vertigineux et passionnant.
On a découvert Joseph Knox en 2018 avec Sirènes, un premier roman très noir et très prometteur dans lequel il mettait en scène Aidan Waits, jeune flic mancunien à la dérive. Ce personnage attachant et complexe, Knox l’a ensuite développé dans ses deux romans suivants, Chambre 413 et Somnambule, tout aussi réussis. Des enquêtes tortueuses, une atmosphère sombre et violente, un flic opiniâtre mais rongé par ses propres démons… En trois romans parfaitement ancrés dans la grande tradition du genre, Joseph Knox, ancien libraire, a ainsi réussi à s’imposer comme l’une des plumes les plus intéressantes du polar britannique contemporain. Autant dire que l’on attendait avec impatience son nouveau roman et que l’on a tout d’abord été surpris par ce titre : True Crime Story.
Le jeune romancier avait donc cédé à cette mode du « true crime », un genre de récit documentaire très populaire dans les pays anglo-saxons, aux États-Unis en particulier, et qui s’est largement développé à la télévision et à la radio. Mais, dès les premières pages, le trouble et le doute s’immiscent dans notre esprit. Le livre s’ouvre en effet par une note de l’éditeur anglais, Penguin Random House, qui nous apprend que l’on tient entre les mains la seconde édition de cette histoire et que l’écrivain et l’éditeur ont décidé, d’un commun accord, de mettre un terme au contrat qui les unissait… Intrigués et surpris, nous n’avons dès lors plus qu’une seule envie : en savoir plus.
En 2017, alors qu’il travaille au deuxième volet des enquêtes d’Aidan Waites, Joseph Knox est contacté par une amie écrivaine, Evelyn Mitchell. Cette dernière a entrepris d’écrire un true crime afin d’éclaircir le mystère de la disparition de Zoé Nolan. Six ans plus tôt, cette étudiante mancunienne a disparu au cours d’une fête. Evelyn a commencé à interroger les amis de Zoé, sa sœur jumelle, ses parents et elle aimerait avoir l’avis de Knox sur ce travail en cours d’écriture. True Crime Story est donc composé des chapitres envoyés par Evelyn à son ami, autrement dit des extraits des interviews des protagonistes de cette affaire dont on comprend très vite qu’elle est particulièrement sordide. Les deux écrivains échangent par ailleurs des courriels, retranscrits ici, et qui nous permettent de comprendre que l’état de santé d’Evelyn se dégrade et qu’elle reçoit des appels de plus en plus inquiétants à mesure qu’elle progresse dans l’écriture de son livre…
Vous l’aurez sans doute compris, tout cela relève évidemment de la plus pure fiction. Tout est faux ici (Evelyn Mitchell n’a jamais existé, pas plus que Zoé Nolan et tous les autres), mais tout a l’air vrai. Knox imite habilement tous les codes du true crime. Il se met même en scène dans cette affaire dans une étrange mise en abyme assez vertigineuse. Il parvient ainsi à donner un tel accent de vérité à cette histoire que l’on finit par oublier que tout cela n’est que le fruit de l’imagination d’un auteur décidément très malin.
À mesure que l’on progresse dans la lecture des témoignages, le doute se déplace d’un personnage à un autre, le mystère s’épaissit souvent, semble s’éclaircir par endroits mais il faut attendre les toutes dernières pages pour que le voile se lève enfin sur cette tragique histoire.
True Crime Story aurait sans doute gagné à être un peu plus resserré (certains passages se répètent un peu) mais ce nouveau polar, qui évoque par moments les récents romans de Matt Wesolowski qui pastiche lui aussi ces récits documentaires, prouve que Knox est capable de se renouveler et de proposer des livres aussi singuliers que passionnants. On ignore quelle direction il suivra dans son prochain livre, mais on sait déjà qu’on l’y suivra.
Grégory Seyer