Si la bataille de Little Bighorn est un événement majeur dans l’histoire de la naissance des Etats-Unis, le quatrième tome de la Véritable Histoire du Far West nous en offre une vision dynamique mais qui semble tronquée par rapport à la richesse des faits historiques.
Quatrième tome de la collection historique consacrée à « La Véritable Histoire du Far West » (après les biopics sur Jesse James, Wild Bill Hickock et le moins célèbre Jim Bridger), Little Big Horn se penche sur l’un des événements les plus célèbres de la triste histoire de la conquête de l’Ouest, et du génocide indien qui en résulta. La cinglante défaite le 25 juin 1876 de l’arrogant – et largement incompétent – lieutenant-colonel Custer (qui n’était pas réellement général, contrairement au titre qu’on lui donne souvent) face à une coalition des tribus indiennes sioux et cheyennes est l’un des moments-clé de l’histoire des Etats Unis, abondamment étudiés et commentés, et il est logique que la collection co-éditée par Glénat et Fayard s’y intéresse.
C’est une équipe des plus compétentes qui s’est chargée de ce récit épique – et relativement « feelgood », tant il est impossible à notre époque de ne pas applaudir des deux mains devant cette victoire prestigieuse, mais malheureusement temporaire, d’un peuple spolié de ses terres, de ses droits les plus élémentaires et de son humanité, sur des envahisseurs barbares, mus avant tout par l’appât du gain (de l’or avait été découvert par Custer dans les Black Hills, territoire sacré pour les Sioux) : au dessin, on se doit d’applaudir, dans un genre classique qui rappelle aussi bien le travail de Jean Giraud pour Blueberry que celui de Christian Rossi, les images dynamiques créées par Antoine Giner-Belmonte et mises en couleurs par Chris Regnault (d’ailleurs dessinateur du premier volume, Jesse James).
Pour ce qui est du scénario, on peut être plus réservé quant au travail de Luca Blengino et David Goy, même si nos réserves sont les mêmes que celles de lecteurs des tomes précédents, et sont donc inhérentes au format très court du récit : 48 pages, ce n’est tout simplement pas assez pour décrire correctement une histoire aussi complexe, et on a en permanence le sentiment de lire une version tronquée, expurgée, frustrante finalement, de faits dont on perçoit en filigrane la richesse. Pire, du fait de la complexité des mouvements de troupe des deux côtés, et la multitude de personnages, on a du mal à réellement saisir ce qui se passe effectivement durant cette journée historique (une carte et une page de présentation des protagonistes auraient été les bienvenues) …
Heureusement, comme les autres tomes de la collection, on peut se rattraper avec un long appendice historique, illustré de photos, pour en apprendre plus, et on est rassuré quant à la véracité des faits par la supervision du projet par Farid Ameur, historien spécialiste de la conquête de l’Ouest.
Deux commentaires pour finir cette revue en demi-teinte :
- Il est assez surprenant, vu le sérieux de l’approche, de voir une faute dans l’écriture du nom du lieu de la bataille : il semble en effet que le nom correct est Little Bighorn (soit « le petit mouflon ») et non Little Big Horn (ou « la petite grande corne »). Manque de maitrise de la langue anglaise ou absence de préoccupation sur le sujet, étant donné le mauvais niveau en langues étrangères des lecteurs français ?
- « C’est un beau jour pour mourir ! » est la phrase la plus célèbre de la bataille, attribuée à Crazy Horse : plutôt que de revoir les westerns classiques, empoisonnés par une vision raciste et nationaliste de l’histoire de l’Ouest, recommandons à ceux à qui ce livre a ouvert l’appétit et qui voudraient avoir une vision plus mesurée et humaniste de cette période, le visionnage du génial Little Big Man d’Arthur Penn, qui est un must.
Eric Debarnot