Aussi bonne, voire meilleure que la première, la seconde saison de Perry Mason confirme la suprême intelligence de cette série policière qui a également un discours fort et pertinent sur la nocivité du capitalisme à l’américaine et sur le racisme endémique de la société US. Magistral !
Il y a trois ans déjà, nous avions été littéralement emballés par une nouvelle série HBO, Perry Mason, inspirée par le « feuilleton » classique – un peu vieillot désormais – avec Raymond Burr. Les showrunners, Rolin Jones et Ron Fitzgerald, avaient créé un prequel de l’histoire de ce célèbre avocat de la défense (fictionnel), se déroulant à l’époque de la Grande Dépression et revenant sur le parcours (imaginaire) de cet ex-détective privé devenu as du barreau. Au centre de cette série contemporaine, qui conjugue habilement thriller noir et « film de procès », il y a la description, très politique, de la situation sociale des Etats-Unis de l’époque de l’entre-deux guerres, où le capitalisme le plus effréné prend véritablement son essor, et où règnent en maître racisme et préjugés (en particulier envers les femmes et les homosexuel(le)s)… Et il faut bien admettre que les scénarios de Jones et Fitzgerald sont particulièrement bien construits, riches de détails sociologiques, politiques et économiques qui fournissent un contexte à l’intrigue policière de chacune des deux saisons leur permettant de dépasser le genre du thriller.
Il est en outre intéressant de voir que, plutôt que de s’inspirer du feuilleton télévisé, Perry Mason est finalement plutôt un hommage à Erle Stanley Gardner, l’écrivain qui a créé le personnage : Gardner travailla en effet dans les années 30 pour un cabinet d’avocat et plaida des causes défendant les droits des minorités ethniques…
Cette seconde saison nous décrit un Perry Mason accablé par les conséquences imprévues de sa victoire judiciaire de la première, et ayant décidé de consacrer l’activité du cabinet qu’il a fondé avec sa partenaire Delia Street au droit civil. Mais lutter pour le profit d’odieux capitalistes ne le motive pas vraiment, et il saisit l’occasion de défendre deux jeunes Mexicains, accusés d’avoir assassiné un jeune homme d’affaires appartenant à une riche famille de L.A. L’enquête qu’il va mener pour trouver comment défendre ses clients que tout accuse va dévoiler les tréfonds de la politique et du business de la « Cité des Anges »… Jusqu’à une conclusion beaucoup plus noire encore que celle de la première saison, puisque cette fois (et ce n’est pas vraiment un spoiler), il n’y aura pas réellement de happy end !
Si l’on peut regretter que l’excellent Timothy Van Patten (Boardwalk Empire) ne soit plus à la manœuvre cette fois, et que la réalisation ait été confiée à une équipe (à majorité féminine et latino-américaine, ce qui est cohérent par rapport aux thèmes traités dans la saison) moins réputée, force est d’admettre que la mise en scène reste l’un des points forts de la série, s’appuyant sur une reconstitution historique soignée – la série bénéficie clairement d’un budget conséquent. Et, comme pour les 8 premiers épisodes, le casting est impeccable, que ce soit au niveau de rôles principaux (Matthew Rhys, Juliet Rylance, Chris Chalk et Shea Whigham constituent une équipe de choc) comme pour les seconds rôles, avec un coup de chapeau à la toujours excellente Hope Davis et au séduisant Justin Kirk.
Bref, voici une série HBO qui fait honneur à l’histoire du studio, qui se classera sans peine parmi les meilleures de l’année, et dont on ne peut que regretter l’absence de popularité en France.
Eric Debarnot