Une certaine bienpensance alanguie nous porte à croire que, avec le temps et l’éducation, la démocratie s’impose naturellement et que, une fois acquise, sa victoire est définitive. C’est faux. La démocratie est un combat permanent, qui doit donc être défendue.
Lun Zhang a vécu, puis a décrit dans Tiananmen 1989, le fol espoir d’un printemps démocratique chinois. Dans ce nouvel album, faisant œuvre d’historien, il nous raconte la suite, de sa fuite à Hong Kong, caché au fond d’une barque, à sa découverte de l’exercice de la démocratie, de la promesse de Deng Xiaoping « d’un pays et deux systèmes » à sa rapide dénonciation, qui se traduira par un nouvel exil, plus lointain.
Le scénario d’Adrien Gombeaud et de Lun Zhang sait aller à l’essentiel. Même si nous connaissons tous la fin de l’histoire, il parvient à ménager des surprises et à nous tenir en haleine. L’histoire de Hong-Kong débute en 1842, lorsqu’elle est cédée, par la force, à la couronne britannique. Profitant de sa situation géographique exceptionnelle, la petite île se développe rapidement. L’accord, signé en 1984 par Margareth Thatcher, garantit, après la rétrocession à la Chine (1997), pour cinquante ans un régime politique et économique différent de celui de Pékin. Ce n’est qu’à la veille de sa rétrocession, que les bases d’une démocratie sont concédées par le gouverneur anglais. Or la greffe réussit, la jeunesse prend gout à la liberté.
Puis vient la rétrocession. Un temps, la Chine semble respecter sa parole. Mais, petit à petit, sûre de sa force, Pékin rabote les libertés démocratiques et manipule les élections. Les élites économiques de l’île se laissent séduire. Seule la jeunesse va se battre et mobiliser les foules. L’île connaîtra les manifestations les plus importantes de l’histoire contemporaine. Hélas, Pékin ne cède pas, les leaders sont maltraités, emprisonnés ou disparaissent sans laisser de traces. Le monde « dit libre » laisse faire. Tout au plus, accorde-t-il l’asile politique aux leaders étudiants.
Le méconnu Ango, un dessinateur qui a vécu à Hong Kong, nous livre un très bel album. Son dessin possède la force du témoignage vécu. Selon les besoins du récit, il se fait réaliste ou symbolique, épique ou tragique, précis ou plus hâtif. Il magnifie le courage de ses héros inconnus, qui, pacifiquement, ont pris tous les risques afin de préserver leurs libertés et, un peu, les nôtres. Respect.
Stéphane de Boysson