Après avoir erré, frôlé la catastrophe, produit quelques morceaux dispensables, Danny Rajan Billingsley arrive avec ce qui est probablement son meilleur album depuis que Night Beats existe. Un mélange d’influences et une richesse sonore incroyables… De sacrément bons morceaux.
Rajan, le titre de l’album, est aussi le second prénom de celui qui tient Night Beats à bout de bras depuis quelque temps, Danny « Lee Blackwell » Rajan Billingsley. Un prénom qui signifie « roi » en sanskrit et qui a été choisi comme titre de l’album en un hommage à ses origines et à sa mère. En hommage, explique Danny Lee Blackwell, à la liberté qu’elle lui a apprise. Et, pour un hommage, c’est un sacré hommage. L’album est tellement riche, plein – de références, d’influences, de sons – et varié, intelligent et racé – par la capacité, justement, à mélanger ces influences –, et tellement bon. Un hommage qui devient probablement le meilleur album de Night Beats depuis le début de la carrière du groupe. Rajan est certainement, malgré sa diversité, le plus cohérent et le plus abouti, celui dans lequel il y a le moins de morceaux faibles. En réalité, pas du tout. Et pourtant, ça n’était pas gagné, tant Night Beats a frôlé la catastrophe personnelle et musicale, errant entre disque moyen et disque moyen, réussissant à produire quelques pépites et quelques reprises (The Sonics) de qualité, mais laissant une impression assez mitigée. Même Outlaw R&B, considéré à sa sortie comme excellent, était assez inégal.
L’album ouvre avec Hot Ghee, un morceau parfaitement psychédélique, ouverture indienne au sitar et guitare R&B et soul, ce qui donne une idée de ce melting pot qu’est l’album, mais pas vraiment de ce qu’on va trouver dedans. Et l’album se ferme avec un blues marocain (Morrocco Blues) qui ne sonne ni tellement Marocain, ni tellement Blues, mais surtout Americana et qui laisse assez étonné, un peu sonné par la richesse et la multiplicité de ce qui nous a été proposé. Entre ce début et cette fin qui se parlent en regardant dans des directions opposées, on passe par tout un tas d’émotions et d’ambiances, on trouve tellement de choses différentes sur cet album qu’on a du mal à les distinguer et à les nommer pour caractériser chaque morceau. Des guitares qui sonnent comme sur des génériques de séries TV ou des BO de film du début des années 1970. Soul, funk et R&B. Tout ça plongé dans un psychédélisme qui fleure bon l’électro européenne des années 1970. Le chant, souvent plutôt en retrait par rapport aux instruments. N’en jetez plus, ou plutôt si, jetez en encore. Comment arriver à mélanger tout cela pour faire autant de morceaux qu’on prend autant de plaisir à écouter ?
Le trippant et excellent, Anxious Mind. Le swinguant et assez émouvant Thank You, voix aérienne et mélodie impeccable qui n’est pas sans rappeler Sunny (façon Bobby Hebb, bien sûr), avalanche de guitares. Un fantastique morceau funky, Nightmare, dont on se demande s’il n’est pas le meilleur morceau de l’album avec son incroyable ligne de basse. Et puis Dusty Jungle, plus sweaty que dusty, cœurs langoureux et soul, et même le bluesy et extraordinaire Cautionary Tale : chant fragile et tourmenté, et nasillard (la voix de Danny Lee Blackwell, quoi) et tout hérissé de guitares très présentes (peut-être le meilleur morceau de l’album, en fait). Sans parler d’Osaka, de l’harmonica et de la voix d’Ambrose Kenny-Smith (The Murlocs, King Gizzard & the Lizard Wizard), morceau bluesy et lancinant en diable, hypnotique et jouissif de langueur. Finalement, un album fantastique, des morceaux très bons, au-delà de leur style.
Alain Marciano