Bien supérieure à la petite comédie horrifique que son pitch laisse supposer, The Horror of Dolores Roach est un divertissement original, certes violent et gore à l’occasion, qui nous raconte la dégringolade d’un personnage attachant dans un monde impitoyable.
A priori, le pitch de The Horror of Dolores Roach n’est pas le plus attrayant qui soit : sous l’égide de Sweeney Todd, le boucher de Londres, il semble s’agir de nous raconter l’horrible histoire d’une meurtrière en série, Dolores Roach, avec des touches de cannibalisme pour corser le tout. Si l’on ajoute le tag original provocateur (« Nice to Meat You » !) et le nom de Jason Blum à la production, difficile de ne pas être inquiet ! Heureusement, la série d’Aaron Mark, adaptation d’un podcast dont il était lui-même l’auteur, s’avère très vite bien plus fûtée que ça…
Le récit prend la forme d’un flashback, la véritable Dolores expliquant par le menu (gag) ce qui s’est passé dans la vraie vie à l’actrice qui joue son rôle sur les planches de Broadway. On craignait une série mélangeant humour macabre et gore, avec une bonne dose de mauvais goût, mais dès le premier épisode, on réalise qu’Aaron Mark est plus ambitieux. Car Dolores, incarnée avec ingénuité mais aussi « gourmandise » par Justina Machado (on se souvient l’avoir découverte il y a plus de 20 ans dans le rôle ingrat de Vanessa Diaz dans Six Feet Under), est un vrai personnage, pas une simple caricature pour film d’horreur à deux balles : Dolores est une victime de la vie, mais surtout de la méchanceté humaine, qui n’a jamais eu la moindre chance de s’en sortir, et qui, entraînée malgré elle dans une série catastrophique d’événements, va laisser émerger le monstre enfoui en elle…
Et le scénario a l’intelligence de ne pas jouer la carte du revenge porn, qui aurait pourtant été une évidence, mais de faire prendre à Dolores un chemin pour le moins inattendu, qui va s’ouvrir à elle quand elle va pénétrer dans une boutique d’empanadas où l’attend Luis, attachant amoureux transi qui va pourtant s’avérer un bien dangereux partenaire. Car la série, tout en tenant ses promesses d’humour noir, très noir même, avec quelques scènes gore occasionnelles qui feront leur petit effet sur les plus téléspectateurs les plus sensibles, va tout nous surprendre en permanence, entraînant sa sympathique et touchante héroïne dans une spirale de violence de plus en plus… horrible. Et on va commencer par beaucoup rire, en particulier grâce à une galerie de seconds rôles bien dérangés, souvent inquiétants mais tous attachants. On va vibrer au rythme des péripéties incessantes qui ruineront tous les efforts de Dolores pour vivre une existence honorable en tant que masseuse professionnelle. Mais surtout, notre regard sur Dolores va subtilement changer, notre empathie se colorant insensiblement d’incrédulité, d’embarras, puis de dégoût devant ses actes.
Finalement la noirceur de The Horror of Dolores Roach ne vient pas tant de l’accumulation de meurtres ni du thème du cannibalisme, d’ailleurs plutôt traité de manière amusante, mais bien des mauvaises décisions prises par Dolores, qui semblent parfois logiques, voire inévitables, et de ses échecs répétés, systématiques qui réduisent à néant toute l’humanité que l’on voyait en elle. Le monde de la série est coloré, joyeux, animé, mais profondément toxique, la folie générale se traduisant quasiment systématiquement en une forme de violence extrême dans les rapports entre les personnages.
Le dernier épisode, joliment « méta » est une vraie réussite, et se termine par un cliffhanger culotté, qui laisse entendre qu’une seconde saison suivra. Ce n’est pas forcément la meilleure des idées, mais espérons qu’Aaron Mark saura renouveler son histoire et la faire encore évoluer.
Eric Debarnot