Il aura fallu une décennie à Ellery James Roberts depuis l’implosion de WU LYF, pour apprendre à apprivoiser ses démons et sortir, main dans la main avec sa compagne Ebony Hobbs le disque le plus équilibré et optimiste de sa carrière.
WU LYF est presque entré dans la légende, de celles connues d’un certain nombre d’initiés, et oubliées du reste. Il n’avait fallu qu’un seul album au groupe mancunien pour nous flanquer la claque de la décennie, doublée de celle prise à l’annonce de leur subite dissolution, un an plus tard. WU LYF s’est figé, le livre s’est refermé, n’a jamais été réouvert, ne le sera probablement jamais et c’est aussi bien ainsi : laissons les légendes là où elles reposent.
Ne reste qu’un unique album, Go Tell Fire to The Mountains, qu’il fait bon de réexplorer encore et encore, quand les repères viennent à manquer. Alors nous prennent à nouveau à la gorge cet orgue dantesque et le chant à la puissance tellurique d’Ellery James Roberts. En découle l’envie de savoir où a atterri la graine de génie à l’origine de la naissance (et de la mort) du collectif. Et c’est à cet instant que l’on finit par tomber sur Lost Under Heaven, le duo que mène Ellery Roberts avec sa compagne, Ebony Hoorn.
Spiritual Songs for Lovers to Sing, paru en 2016, posait tous les jalons de la nouvelle version de l’homme et de l’artiste que tendait alors à devenir Ellery Roberts. Plaisir non dissimulé que de retrouver sa voix déchirante, et il faut bien avouer que les morceaux les plus marquants étaient ceux qui évoquaient le mieux le souvenir de WU LYF. Pour autant, un souffle inédit et salvateur planait sur ce disque, et c’est bien dommage que l’album suivant en ait terni la portée, car Love Hates What You Become ne nous a offert que peu de prises auxquelles s’accrocher.
Les années passent et l’on oublie presque LUH, et nous avons bien failli passer à côté de la sortie de son troisième album. Le temps semble être enfin venu pour le chanteur mancunien de cautériser ses plaies, de tempérer ses démons et apprivoiser ses failles pour produire, avec sa compagne Ebony Hoorn un album équilibré et lumineux. Equilibre entre les deux artistes, équilibre des passions… Something is Announced by Your Life ! porte en lui-même la clé de la guérison pour une âme qui s’était réfugiée dans la violence et dans l’opposition.
Les premiers mots de l’album sont les suivants : « I surrender and trust the universe will give me what I need », et ne peuvent pas mieux définir le propos de l’ensemble. Il s’agit d’avoir confiance en l’avenir, et d’enclencher une marche vers l’avant dont le tempo lent mais percutant de ce premier morceau marque la conviction. « I’m grateful for this life », chantent-ils en chœur, car est venu le temps de cesser de nager à contre-courant. Les hurlements d’Ellery Roberts s’apaisent, le paysage sonore est certes moins épique, mais s’éclaircit pour laisser place à des leçons de vie plus humbles, de celles données par Shadowboxing qui nous somme d’apprendre à aimer notre ennemi, surtout quand il ne s’agit de nulle autre que soi. Dark Days laisse quant à lui à Ebony le champ libre pour faire entendre seule sa voix sur une incantation brûlante et ténébreuse – le seul morceau qui le soit finalement.
Le duo semble mettre de la distance avec ses précédents projets, mais un titre comme Winter’s Truth ne manque pas de rappeler l’intensité à laquelle nous a accoutumé Ellery Roberts, à ceci près que les voix des deux partenaires unies avec grâce et beauté ne véhiculent que chaleur et amour, ne s’effaçant que pour laisser cordes et percussions signer un prodigieux final au morceau. La puissance de ce duo vocal est décidément frappante, elle rayonne sur The Return, et trouve tout son sens avec Towards the One. « Evolution ! », c’est le maître-mot de ce single édifiant, où Ellery et Ebony ne font qu’un pour clamer haut et fort cet hymne à l’amour à la vie.
Lost Under Heaven semble enfin être devenu le cocon de sérénité qu’il manquait à Ellery James Roberts. On tombe, à l’écoute de ce troisième album face à une beauté qui se veut simple mais pas naïve, lumineuse mais jamais éblouissante, et qui en sublime le caractère très personnel. L’objectif ici, n’est certainement pas d’offrir à ce disque un large succès, en témoigne d’ailleurs sa production totalement indépendante et son faible éclairage médiatique – mais de construire une voie solide et pérenne à l’homme et à la femme, aux deux artistes qui constituent ce duo fascinant.
Marion des Forts