A partir d’un pitch assez extraordinaire, gros concept SF ouvrant sur une multitude de situations passionnantes, Stéphane Lafleur livre avec On dirait la planète Mars un film tiède et trop long, occasionnellement sauvé par de bons gags.
Le point de départ du dernier film de Stéphane Lafleur, réalisateur québécois remarqué (En Terrains connus, Tu dors Nicole) est formidable : cinq personnes, au profil psychologique similaire à celui de cinq astronautes US en mission sur Mars, sont confinés – mais sur Terre – durant toute la durée de la mission spatiale dans des conditions similaires, de manière à permettre d’anticiper d’éventuels problèmes dans les relations humaines liées à l’isolement absolu. Voilà donc cinq volontaires à qui on impose (qui s’imposent plutôt à eux-mêmes) d’être « quelqu’un d’autre pendant de longs mois : une épreuve dont nul ne saurait sortir indemne, d’autant que, inévitablement, leurs propres désirs, leurs problèmes troubles vont interférer avec l’expérience scientifique.
Le début de On dirait la planète Mars (dont les extérieurs sont filmés dans les paysages du Canada assez inédits à l’écran) fascine, entre trouble identitaire, abîme existentiel et quelques touches d’humour absurde, voire légèrement malaisant. Les décors intérieurs sont réduits au minimum, l’interprétation bien tenue (Steve Laplante, en particulier, est d’une sobriété et d’une précision remarquables dans le rôle principal), certains rebondissements du scénario sont effectivement bien trouvés : bref, on se prépare à profiter d’un petit film indépendant « high concept » comme on les adore…
Mais peu à peu, la magie s’étiole, un vague ennui s’installe, à peine traversé de temps à autre par une belle idée un peu plus stimulante ou par un gag bien vu. Les intermèdes oniriques sont particulièrement dénués d’intérêt, n’apportant rien au film. Et, en débit d’une sorte de « twist » intéressant, le film se conclut sans se conclure, comme si Lafleur n’avait pas osé aller jusqu’au bout de son sujet.
On dirait la planète Mars est un film dont le trop plein de thèmes (qu’est-ce qui constitue notre identité ? qu’est-ce qui détermine les interactions humaines dans la société ? voire même qu’est-ce que la réalité ?) contraste avec l’indécision générale du projet, avec la triste tiédeur du traitement. Il aurait fallu que Lafleur choisisse plus clairement de quoi il voulait parler, le genre de film qu’il voulait faire : de la distorsion et l’illusion du réel façon Philip K. Dick au huis clos psychologique, en passant par la comédie absurde, il avait le choix, et chaque option aurait pu donner un film intéressant. Ce que n’est pas du tout son On dirait la planète Mars.
Eric Debarnot