Auteur d’un album remarquable paru au printemps 2023, Exotico, le groupe britannique Temples était présent en juillet dernier au festival Chauffer Dans La Noirceur. Rencontre avec leur chanteur, James Bagshaw.
Cela faisait longtemps que nous souhaitions nous rendre au festival Chauffer Dans La Noirceur, festival défricheur situé aux confins de la Bretagne et de la Normandie. La présence de l’excellent groupe Temples fut un prétexte suffisant pour être présents dès le milieu d’après-midi vendredi 14 juillet dernier. Rencontre venteuse avec James Bagshaw le chanteur et guitariste du plus psychédélique des groupes britanniques.
Benzine : James, vos derniers concerts en France se sont déroulés juste avant la pandémie. Quels souvenirs en gardez-vous ?
James : Nous avons joué à Paris, c’était un super concert, puis nous sommes allés à Toulouse et nous avons été obligés de rentrer plus tôt que prévu. Nous devions aller au Portugal, mais le pays était déjà confiné.
Benzine : Comment avez-vous vécu les différents confinements ?
James : Pour tout, cela a été un problème, mais ce fut aussi pour nous un moment très créatif. Nous avons sorti le titre Paraphernalia juste après le début de la pandémie. Nous avons ensuite commencé à travailler sur Exotico, notre nouvel album, mais il a fallu attendre environ un an pour aller voir Sean Lennon (Ndr : le fils de John Lennon, déjà producteur artistique de Paraphernalia) et finir l’album. Ce fut vraiment un moment très créatif.
Benzine : Vous avez attaqué un nouvel album alors que vous n’aviez pas pu défendre Hot Motion, le précédent, correctement ?
James : Hot Motion n’a pas eu de chance. Ce disque est arrivé au mauvais moment, sa promotion a dû être interrompue. Nous savions que nous ne pourrions pas revenir avec cet album, alors on s’est débrouillé pour faire autrement.
Benzine : Comment travaillez-vous pour faire un disque ?
James : Cela dépend, c’est différent à chaque album. Généralement, nous écrivons individuellement, et lorsque l’on est satisfait du résultat, nous partageons. Exotico a été réalisé comme cela. Chacun a travaillé ses propres chansons de son côté pendant la pandémie et lorsque nous avons pu nous voir, nous avons travaillé ensemble et nous avons fini toutes les chansons. Je n’écris pas tous les textes. Pour Afterlife et Slow Day, les paroles sont d’Adam. (Ndr : Adam Smith, guitariste et claviériste).
Benzine : De quoi parlent les textes ?
James : De plein de trucs ! Nous parlons de l’amour, de la tristesse et de plein d’autres choses. Sur le nouvel album, il y a une envie de partir pour des vacances exotiques, de sortir de l’Angleterre et de sa météo horrible. La politique aussi y est horrible !
Benzine : Justement, quel regard portez-vous sur ce qui se passe actuellement en Grande-Bretagne ?
James : J’essaie de ne pas trop écouter les infos car nous avons un leader terrible ! En France, vous avez Macron, nous, nous avons Rishi Sunak, c’est de la merde, il est nul (rubbish). Il n’a rien à faire de l’art en général. Tout ce qui l’intéresse, ce sont les affaires.
Benzine : Que pensez-vous du Brexit et de son impact sur les gens ?
James : Je déteste le Brexit ! C’est la pire chose que notre pays ait jamais connue, c’est un vrai problème car il n’y a pas de liberté de mouvement. Il faut attendre à la douane… Cela une influence négative sur notre pays. Nous avons perdu plein de personnes qui travaillaient en Angleterre. Notre système de santé, le NHS (Ndr : le National Health Service gère les hôpitaux dans lesquels les soins sont gratuits), est également menacé … Notre pays est mal parti !
Benzine : Revenons à la musique. Comment s’est passé votre rencontre avec Sean Lennon ?
James : C’était extraordinaire ! Nous l’avons rencontré lors d’un festival aux Etats-Unis dans lequel il jouait également. Nous avons discuté en backstage, et nous nous sommes aperçus que nous avions les mêmes références musicales. Notre amitié a débuté comme cela.
Benzine : Sa musique est très différente de la vôtre ?
James : Nous n’avons pas besoin de faire le même musique pour aimer les mêmes choses. Il y a une telle diversité musicale !
Benzine : Comment s’est passé votre collaboration ?
James : C’est comme s’il avait rejoint notre groupe durant cette période. Il en est devenu un véritable membre. Nous pouvions avoir beaucoup d’idées, il en avait aussi beaucoup, c’était une expérience très créative. Nous avons passé douze jours à New-York et nous avons enregistré tous les jours ! Au total, nous avons fait 16 chansons pour Exotico. C’est vraiment une super personne avec qui travailler, il est très passionné.
Benzine : Vous n’avez quand même pas créé tout l’album à New-York en 12 jours ?
James : Non. Nous avions fait beaucoup de productions nous-même en Angleterre. Nous sommes arrivés avec beaucoup de chansons déjà très avancées, et nous avons profité de studio extraordinaire de Sean. Il a des équipements extraordinaires, du matériel que nous n’avions jamais utilisé auparavant, comme un mellotron original. Il a aussi plein de synthétiseurs, du matériel génial, un Csat Yamaha pour les cymbales. C’est très inspirant : tous ces instruments avec lesquels nous avions envie de jouer étaient dans la même pièce.
Benzine : Quelle évolution entre Hot Motion, votre 3e album, et Exotico, le nouveau ?
James : Exotico n’est pas un album rock, moins que Hot Motion en tout cas. C’est un album centré sur les guitares, plus ou moins un album concept. Il a des influences beaucoup plus larges, s’appuie sur davantage de styles musicaux.
Benzine : Johnny Marr, le guitariste de Smiths, comme Noel Gallagher, celui d’Oasis, vous ont défini « meilleur nouveau groupe ». Qu’en pensez-vous ?
James : C’est très difficile pour moi de le dire, je pense qu’ils ont tort ! D’autres groupes, comme Arctic Monkeys, ont un bon son. Et il y a beaucoup d’autres groupes : Queen Of The Stone Age est très bon en live. J’aime bien aussi les Strokes. Nous avons aussi vu Phoenix lorsque avons joué avec eux à Musillac. Et j’écoute aussi beaucoup Serge Gainsbourg, c’est grand !
Benzine : Sur scène, vous êtes très souvent les yeux fermés …
James : Oui, c’est pour me concentrer. Il faut se concentrer sur la mélodie, se souvenir des paroles, du mot suivant …
Benzine : Un dernier mot ?
James : Merci beaucoup à la France. Nous y avons nos meilleurs fans, le meilleur public. Un public qui nous comprend vraiment, qui comprend ce que font Temples. Ce n’est pas le cas dans tous les pays !
Propos recueillis par Patrick Auffret et Lysianne Roche. Traduction avec la complicité de Patoune.
Temples – Exotico
Label : ATO Records / PIAS