Avec Five of Cups, Holy Wave explore de nouvelles franges du psych rock et propose un jeu plus sophistiqué, mais écope de quelques déséquilibres en ne définissant pas de cap précis à ce sixième album.
A Austin brillent deux étoiles du psychédélisme, les Black Angels bien sûr, mais aussi les quatre Texans d’Holy Wave qui, avec cinq albums à leur actif et une session live au Levitation Festival (premier du nom), ont eu l’occasion de prouver la force et la pertinence de leur jeu.
On ne réécrira pas la chanson ici car on commence à la connaître, mais Five of Cups, le sixième album du groupe, est né des affres de la pandémie ; c’est donc assez naturellement que l’on observe une rupture entre ce dernier et le reste de la discographie d’Holy Wave. La tranquillité des précédents projets, de l’excellent Interloper pour ne citer que lui, laisse place à une mélancolie tenace, et un bref regard à la signification du titre de l’album permet d’affirmer que l’on ne se trompe pas. Le « Cinq de Coupes » est une carte du Tarot qui incarne un fort ancrage dans le passé et une certaine incapacité à s’inscrire dans le présent, c’est ce qui inspire au guitariste et chanteur Ryan Fuson le titre de son album au détour d’un tirage de cartes. Les thèmes sont donc plus sombres, et le jeu des musiciens plus pointu en prime.
Cependant, le défi est de taille, arrivé à la seconde moitié de l’année 2023, de parvenir à rivaliser avec bon nombre de projets du même acabit et déjà parus. La faute, peut-être, à une trop grande proximité temporelle avec la sortie du dernier album d’Ulrika Spacek par exemple, mais les similitudes qu’on y trouve empêchent de goûter pleinement à la découverte des morceaux qui composent Five of Cups.
Le terrain qu’ils explorent n’en reste pas moins intéressant, et si on le sait déjà foulé, il n’est pas encore piétiné. Le premier titre éponyme de l’album illustre cet entre-deux dans lequel se trouve Holy Wave, partagé entre deux panels de sonorités, l’un largement exploré et l’autre encore à définir. L’excentricité des synthétiseurs se mêle à la décadence des guitares pour une ballade faussement tranquille, bercée par la voix désabusée de Ryan Fuson.
Le reste de l’album découle sinueusement de cet imbroglio sonore, presque trop et l’on se perdrait presque dans cette sympathique étrangeté si des titres comme Chaparral ou Hypervigilance et sa basse groovy ne venaient pas épicer quelque peu l’ensemble. Côtoyant les nappes discordantes que l’on connaît de notre côté de l’Atlantique chez Ulrika Spacek, Holy Wave se plait à divaguer sur des pentes accidentées, mais ne prennent peut-être pas les risques nécessaires, si bien que les rêveries légèrement écorchées de Path of Least Resistance ne parviennent à nous emporter tout à fait.
Le dernier tiers de l’album laisse néanmoins place à deux collaborations bienvenues. D’abord sur le titre The Darkest Timeline avec le duo mexicain Lorelle Meets the Obsolete dont la voix vient indéniablement étoffer le bagage sonore du groupe, et permet à Holy Wave de tendre vers l’équilibre qui leur fait défaut. Puis, avec la chanteuse Estrella del Sol qui chante en espagnol le dévoiement des hommes vers ce qu’ils croient être le bonheur. Réussie, cette collaboration clôt le disque sur une note positive.
Five of Cups n’est pas l’album de la consécration de la nouvelle direction empruntée par le groupe, Holy Wave y oscille un peu trop entre sonorités passées et inédites, sans résolument se pencher d’un côté ou de l’autre. Si l’on reste donc sur notre faim, c’est toutefois la marque que le quatuor ne s’essouffle pas ; au contraire, il explore, et ce sixième album défriche de nouveaux horizons qui lui conviendront très bien s’il décide de s’y engouffrer pour de bon.
Marion des Forts