Disparu voilà presque un demi-siècle (même si des versions pirates en étaient disponibles), Chrome Dreams, le grand album perdu de Neil Young, sort enfin officiellement. Suivant qu’on est un connaisseur de l’œuvre complète du Loner ou un néophyte, on portera forcément un jugement différent sur cette parution vraiment tardive…
Chrome Dreams est sans doute le plus célèbre de tous les albums non publiés de Neil Young, celui que tous les fans du Loner ont rêvé d’écouter un jour. L’annonce le 30 juin dernier, par Neil, de sa sortie constitue donc un événement, un demi-siècle après sa « création ». Rappelons rapidement pour les « moins fans » de quoi il s’agit : en 1977, Neil Young dispose d’un bon nombre de morceaux qu’il juge de qualité, enregistrés entre décembre 1974 (Star of Bethleem, pour l’album Homegrown, prévu pour 1975 mais qui ne verra pas le jour avant 2020) et février 1977 (Hold Back the Tears). Il envisage de les compiler, malgré leur disparité, tant au niveau de l’inspiration que des musiciens accompagnateurs, sur un album qu’il nommerait Chrome Dreams, un titre inspiré par un dessin de David Briggs mêlant un avant de Chrysler et une tête de jeune femme. Et puis il change d’avis, comme il le fera si souvent au cours de sa longue carrière, transformant l’album jamais paru en une sorte de mythe : plusieurs proches de Neil affirmèrent même qu’il aurait pu s’agir-là de son meilleur album, étant donné la qualité des compositions.
Et nous voici donc 46 ans plus tard, capables enfin de juger l’œuvre mythique sur pièce. Et face en fait à un problème de taille : comment faire pour oublier que tous les morceaux ont été publiés au fil des années ? Pour être précis et éviter les désillusions à quiconque espérerait un peu de nouveau ici, comme ce fut quand même le cas, au moins partiellement, avec la parution de Hitchhiker et de Homegrow, il n’y a désormais sur Chrome Dreams AUCUN morceau inédit en 2023, et seulement deux enregistrements inédits : Hold Back the Tears, interprété en solo par Neil, et avec un texte plus long, et Sedan Delivery, joué avec le Crazy Horse dans le style typique de la formation, une chute des sessions ayant donné naissance à Zuma. Pour le reste :
- Will to Love, Star of Bethlehem, Like a Hurricane et Homegrown figuraient dans ces mêmes versions sur American Stars & Bars, l’album qui « remplaça » Chrome Dreams. Hold Back the Tears y était aussi incluse, dans une version enregistrée en format groupe.
- Publiés pour la première fois sur Rust Never Sleeps : Pocahontas (même enregistrement, avec des overdubs), Sedan Delivery (dans une version bien supérieure, nourrie de l’esprit punk que Young célébrait dans cet album) et Powderfinger (dans sa fameuse version électrique, qui transcende littéralement le morceau)
- Look Out for My Love illumina littéralement l’irrégulier Comes a Time
- Captain Kennedy (le même enregistrement) fut l’un des rares fleurons du moyen Hawks and Doves
- Un enregistrement différent de Too Far Gone fut ajouté à Freedom.
- Stringman apparut interprété en live sur Unplugged.
En ce qui concerne les publications récentes au sein des « Archives », on retrouve donc :
- Les mêmes versions de Pocahontas, Captain Kennedy et Powderfinger sur Hitchhiker
- Les mêmes versions de Too Far Gone et Stringman dans le volume II des Archives.
Imaginons-nous plutôt dans la peau de quelqu’un qui découvrirait aujourd’hui Neil Young, et qui aborderait Chrome Dreams sans connaître les disques listés ci-dessus. Qu’entendrait-il ? 12 chansons inspirées, tant du point de vue mélodique qu’émotionnel, constituant un album qui ne dépare pas quand on le compare aux grands classiques précédents du Loner (After the Goldrush, Harvest, Tonight’s the Night, On the Beach, Zuma). Un album qui ne souffre finalement que de deux handicaps : son hétérogénéité, qui l’empêche d’être lui aussi un véritable chef d’œuvre, mais également une sorte de tristesse, voire de morosité générale qui le cloue au sol. Qui sait si ce n’est pas là la raison pour laquelle Neil Young n’avait pas voulu le publier tel quel, et avait préféré le démembrer ?
Pour un connaisseur de l’œuvre de Neil Young :
Pour un néophyte, qui approcherait Neil Young pour la première fois :
Eric Debarnot
Grand fan du Loner depuis 1970, d’ailleurs je vais les avoir les seventy, je vous trouve assez sévère quoique factuellement précis
J’ai un bon bootleg de ce disque depuis une dizaine d’années, mais attend quand même fiévreusement mon double vinyle avec la pochette signée Ronnie Wood! Non, pour moi c’est du 5 étoiles, néophyte ou pas, plutôt pour fan de la première heure, d’ailleurs! Ouais, c’est disparate et moody, mais qu’attendre d’autre du Loner de la ditch period!!!
Merci pour ce commentaire, qui relativise ma déception. Je comprends ce point de vue, et qui sait, peut-être qu’au fil des écoutes, je le partagerai !