Ce n’est pas parce que, plus ou moins officiellement, il n’y a quasiment pas de concerts en août à Paris qu’on ne peut pas passer une grande et belle soirée musicale : les jeunes Australiens de Royel Otis l’ont bien prouvé hier soir au Supersonic !
Dans le désert musical parisien de la semaine du 15 août, le Supersonic fait de la résistance, et c’est une bénédiction. Poussant la porte pour découvrir sur scène les intrigants Royel Otis, on est surpris de trouver la salle bondée. Bien entendu, comme ce sont des locaux de l’étape, un groupe parisien, qui ouvrent la soirée – et non, il n’y a exceptionnellement, pas trois groupes à l’affiche ce soir ! –, on imagine que la famille et les amis sont là, mais le public comprend surtout une bonne troupe de fans de Royel Otis, on va le découvrir rapidement…
21h : les jeunes Parisiens de The Initiativ dégagent une énergie et un plaisir de jouer qui captivent immédiatement. Ils jouent un indie rock à guitares finalement assez classique – les influences british sont claires – mais ont des chansons plutôt ambitieuses. On est régulièrement impressionné quand les deux guitares montent en puissance, et on aime bien les voix, masculine et féminine, pas toujours très justes, et qui gagnent à être entremêlées. La section rythmique se veut puissante, mais a un niveau de réussite variable, parfois très bien tenue, parfois un peu à la ramasse. Indéniablement, tout ça sent les défauts de débutants – le groupe s’est formé en 2022, seulement -, mais il n’y a pas de souci à se faire pour leur avenir, avec de bonnes chansons comme ils en ont déjà, et toute cette générosité qu’ils démontrent. Le final avec leur premier single, The Line, est même très fort, allez, on utilisera même le mot « irrésistible » ! On ne leur reprochera qu’une reprise un peu bourrine des Cactus de Dutronc… mais c’est sans doute parce que, pour répondre à leur question, non, nous n’aimons pas, mais pas du tout la chanson française !
22h25 : après un sound check minutieux (« l’Australien est perfectionniste », nous murmure un ami qui chérit les aphorismes), Royel Otis – le jeune duo de Sydney qui se présente en format quatuor sur scène – attaquent leur set d’impressionnante façon avec un titre – que nous ne reconnaissons pas -, beaucoup plus rock que ce à quoi nous nous attendions. Et puis, non, en fait, rapidement, on retrouve l’indie pop des EPs : une musique introspective, parfois mélancolique, parfois plus gaie, s’appuyant sur des mélodies très séduisantes, avec un chant soigné.
A la différence de ce qui se passe souvent au Supersonic, le public ne s’est pas complètement renouvelé entre les deux groupes : Royel Otis bénéficient visiblement d’une cote déjà élevée auprès du public (largement féminin) parisien ! Otis Pavlovic et Royel Maddell tiennent les deux guitares sur le devant de la scène, et sont soutenus par un claviériste volubile et un batteur discret mais puissant. Il faut aussi noter un point original : le visage de Royel est toujours dissimulé d’une manière ou d’une autre sur les photos du groupe, et, bien que placés juste devant lui, à un mètre de distance au plus, nous n’avons jamais pu le voir, ce visage, en permanence caché par ses cheveux blonds !
Sur des chansons comme les enchanteurs Motels et surtout Sofa King (« You’re so fucking gorgeous! », quel refrain !) avec la voix assez féminine d’Otis, on est finalement assez proche de ce que font, de l’autre côté de la planète, Girl In Red : dans un Supersonic juvénile et en surchauffe, tout le monde chante en chœur ces morceaux… qui font visiblement partie du quotidien des fans (sur le côté de la scène, les musiciens de The Initiativ dansent avec une joie visible, et ont aussi l’air de bien connaitre les paroles des chansons). Et il semble que cet enthousiasme général, qui s’exprime bruyamment, même pendant les chansons, étonne jusqu’au groupe, qui déclarera cette soirée « exceptionnelle »… en dépit de la chaleur.
Les mini hymnes du groupe s’enchaînent, enchanteresses, avec les sommets évidents que sont Adored et surtout la joyeuse Going Kokomo (« Going Kokomo / Our life’s a beach, so, let’s let go / Don’t stress yourself / Might even play this on the radio » – Going Kokomo / Notre vie est une plage, alors lâche-toi / Ne te stresse pas / On pourrait même passer ça à la radio), notre chanson préférée du groupe pour le moment. Et d’un seul coup, même si l’aspect « dream pop » de la musique brouille un peu les pistes, bon dieu, c’est ça : il y a du Jonathan Richman chez le juvénile Otis Pavlovic ! Si ce n’est pas une belle référence, ça !
Un set de 45 minutes que l’on aurait voulu bien plus long, mais il est vrai que les titres de Royel Otis ne faisant pas plus de 3 minutes, il est difficile pour un groupe aussi récent de tenir l’heure entière qui leur était allouée.
En tous cas, tout le monde a l’air ravi de sa soirée : alors, oui, il se passe de très belles choses à Paris au mois d’août !
Texte et photos : Eric Debarnot