[Live Report] The Rills et Fenn Wilson au Supersonic (Paris) : la joie de jouer (et d’exister)…

Même si l’Angleterre, accablée par l’impitoyable politique anti-sociale des Conservateurs, semble ne plus beaucoup sourire, il reste heureusement pour les jeunes Anglais le bonheur et la joie de jouer de la musique, mélodique, énergique, dans la lignée de leurs grands aînés pop / punk. Le meilleur exemple en ce moment se nomme The Rills… Ils jouaient au Supersonic hier soir…

2023 08 19 The Rills Supersonic
The Rills au Supersonic – Photo : Eric Debarnot

Petit buzz parisien du mois d’août : il ne faut pas manquer le retour au Supersonic de The Rills, un an après leur premier passage mémorable ! Pourquoi pas ? Après tout, un bon moshpit dans la fournaise sera une bonne préparation pour le set de Osees le lendemain au Cabaret Sauvage…

2023 08 19 Fenn Wilson Supersonic20h30 : C’est Fenn Wilson, géant australien de Melbourne, qui ouvre les hostilités : Fenn, c’est une belle voix qui ne recule pas devant les envolées lyriques, qui chante des chansons largement dépressives mais pleines d’humanité, et qui est soutenue par une section rythmique percutante (on attribuera la palme du batteur le plus spectaculaire de la soirée au forcené qui accompagne Fenn Wilson). Le premier quart d’heure du set est un peu tiède, il faut avouer que Fenn lui-même dégage une sorte de modestie qui est presque contre-productive (« les deux autres groupes de ce soir sont vraiment stylés, bien plus que moi, en fait ! »). Puis, progressivement, la musique se durcit, s’envole et devient plus franchement enthousiasmante. Fenn est un type plein de gentillesse : « Il semble qu’il y ait eu ces derniers temps un large contingent de groupes de chez nous à passer par ici… Merci de nous faire nous sentir bienvenus ici ! ». Il y a clairement beaucoup d’émotion dans sa musique, mais on a l’impression au cours du set qu’elle n’est pas forcément transmise aussi bien qu’on l’aimerait… La preuve : le titre final, Turn the Leaf, démontre que Fenn peut briller, que sa musique peut atteindre enfin une intensité magnifique. 35 minutes, et c’est dommage que tout n’ait pas été comme cette conclusion mémorable du set…

2023 08 19 Inflow Supersonic21h25 : la programmation des soirées au Supersonic semble désormais placer le groupe le moins aguerri, le moins « attrayant » sans doute, en seconde position. Inflow, trio de Bordeaux au format inhabituel (deux guitares et une batterie) démontre beaucoup d’enthousiasme, et n’est pas avare d’attitudes / clichés rock’n’roll. Malheureusement, leurs compositions classiques n’ont pas une grande originalité, et sont trahies par un son très mauvais, dominé par la batterie et où ni les guitares ni les voix ne sont réellement audibles. On s’ennuie rapidement devant un set – de 40 minutes, quand même ! – qui manque cruellement de substance, mais il faut admettre que le public du Supersonic avait l’air, en général, enchanté. On va accorder à Inflow le bénéfice du doute, ils le méritent, mais le peu qu’on a entendu dans ces mauvaises conditions n’était pas convaincant.

2023 08 19 The Rills Supersonic 22h30 : le trio de The Rills nous vient de la ville de Lincoln, dans le nord-ouest de l’Angleterre, pas très loin de Sheffield. Une amie nous les a présentés comme l’un des jeunes groupes les plus sympathiques qui aient émergé de l’autre côté du Channel : une bande de trois vrais amis, des gens simples encore émerveillés par l’accueil enthousiaste que reçoit leur musique un peu partout, et qui profitent pleinement de cette bienveillance dont ils bénéficient. Ça sonne presque un peu niais, dit comme ça, mais, bon sang, c’est exactement ce que l’on a ressenti ce soir dans un Supersonic transformé en un joyeux moshpit pendant les soixante minutes du set, y compris même un « encore » non prévu (World Leader), pour la beauté du geste, alors que l’horaire limite des 23h30 était dépassé. Pour la beauté du geste ? Non, disons plutôt pour le plaisir, pour que ce plaisir dure 5 minutes de plus que prévu, qu’autorisé !

Ce que nous offrent The Rills, c’est une sorte de quintessence du rock anglais éternel : des chansons pop immédiatement reprises en chœur même quand on les entend pour la première fois, jouées avec cette fameuse énergie punk qui reste irremplaçable depuis 1977. Ce qui est pour nous, sans aucune nostalgie surtout, une définition parfaitement acceptable du bonheur en musique. The Rills auraient pu faire partie de la New Wave en 1979, comme de la vague des Kaiser Chiefs et autres Wombats des années 2000. Mais ils ne sont pas déplacés, pas ridicules, en jouant cette musique en 2023 (d’ailleurs la moyenne d’âge dans le moshpit n’était guère supérieure à 20 ans…), car ils ont intégré dans leurs influences des gens comme IDLES ou Fontaines DC

2023 08 19 The Rills Supersonic

Mitch Spencer, le chanteur-guitariste, rayonne de bonheur (impossible de faire une photo de lui où il ne sourit pas !), Callum à la basse arbore un look « straight » assez décalé, et Mason, l’impressionnant batteur, tient la baraque. Les voix sont belles, le son compact sans que les mélodies ne se noient jamais dans le chaos. The Rills nous offrent une sorte de set punk/pop généreux, parfait, avec des titres comme Spit Me Out, Landslide, The Angler ou Pyro en oriflammes brandies avec fierté.

Pourvu qu’ils ne perdent pas trop vite cette joie de jouer, ou plus fondamentalement cette joie d’exister ! Ne les manquez pas la prochaine fois qu’ils passeront près de chez vous !

Texte et photos : Eric Debarnot