Sorti au milieu de l’été, le même jour que le nouvel album de Blur, Dance Till The Stars Come Down de The Lilac Time est passé à peu près inaperçu. Seuls quelques amoureux des chansons délicates et mélancoliques de leur leader Stephen Duffy ont prêté une oreille à ce disque humble mais qui semble, hélas, condamné la confidentialité.
Quand on se penche sur la carrière du songwriter anglais Stephen Duffy, on constate une fois de plus à quel point le succès ne sourit pas toujours aux plus talentueux. Pire, le destin semble s’amuser parfois avec des artistes qui, dans un monde idéal, auraient dû connaître une large reconnaissance publique. Toute la carrière de Stephen Duffy ressemble ainsi à un rendez-vous manqué avec la gloire. Pourtant, à la toute fin des années 70, Duffy est l’un des membre fondateurs de Duran Duran, groupe qui connaîtra un immense succès au cours de la décennie suivante mais que Duffy quitte après quelques mois. Le jeune chanteur se choisit alors un étrange patronyme puisque ses disques suivants paraissent sous le nom de Stephen « Tin Tin » Duffy. Il fonde ensuite avec son frère le groupe The Lilac Time. Ce nouveau nom, Duffy l’a trouvé dans l’une des chansons de Nick Drake, autre perdant magnifique dont le génie ne sera que tardivement reconnu. Ce nom est comme une déclaration d’intention. En 1986, former un groupe influencé par le folk introspectif et mélancolique de Nick Drake est une sorte d’anachronisme musical qui condamne d’emblée le groupe à une confidentialité inversement proportionnelle à la qualité de ses chansons. Quiconque a écouté des albums tels que Astronauts (1991) ou Keep Going (2003) le sait : le talent de mélodiste et de parolier de Stephen Duffy est immense et ses chansons, délicates et fragiles, sont parmi les plus belles de la pop britannique.
En presque quarante ans, Duffy, avec The Lilac Time ou en solo, a construit une discographie personnelle et contemplative, boudée par le public mais reconnue par ses pairs. Au début des années 2000, la star Robbie Williams ne s’y trompera pas et fera appel à lui pour son album Intensive Care, un disque à mille lieues du registre de Duffy, mais qui se vendra à plus de huit millions d’exemplaires.
Libre et totalement indépendant, Stephen Duffy poursuit donc désormais son œuvre sans chercher à plaire au plus grand nombre ou à coller aux tendances musicales du moment. Fidèle à son goût pour la musique folk, Dance Till The Stars Come Down, sorti le 21 juillet dernier, ne devrait pas changer grand-chose au statut du discret songwriter. Mais ce nouvel album rappelle, en neuf titres et seulement 35 minutes, l’exceptionnel talent du chanteur. Dès les premières notes de Your Vermillion Cliffs, la très belle chanson qui ouvre cet album, l’ambiance est posée. Le disque est essentiellement acoustique et chaque titre baigne dans une atmosphère folk mélancolique qui évoque Nick Drake évidemment, mais aussi des chanteurs tels que Bert Jansch ou John Martyn. Stephen Duffy appartient en effet à cette famille de musiciens, des artisans d’un folk brumeux et automnal, qui ne se dévoile qu’après plusieurs écoutes mais vers lequel on revient régulièrement. La première fois que l’on a écouté ce nouveau disque de The Lilac Time, chaque chanson nous a semblé ressembler à la précédente. Puis, progressivement, les titres ont révélé des nuances, des aspérités que l’on n’a pas fini d’explorer.
Disque humble, sans coup d’éclat, Dance Till The Stars Come Down a donc déjà trouvé sa place dans notre discothèque. On ne l’en sortira sans doute pas toutes les semaines mais, chaque fois qu’on le posera sur la platine, le plaisir de se lover dans ces neuf chansons douces et délicates sera intact.
Grégory Seyer