Chaque nouveau livre de Jørn Lier Horst est désormais l’occasion de louer la maîtrise et le classicisme du maître norvégien du polar… Ce qui ne veut pas dire qu’il ne sache pas renouveler ses histoires, comme ce mal en personne en est la preuve !
Quand on découvre le titre du dernier Jørn Lier Horst, le mal en personne, et qu’on voit que son sujet est une paire de serial killers violant, torturant et massacrant des jeunes femmes, on ne peut pas s’empêcher d’avoir peur : celui qui est indiscutablement l’un des maîtres du polar scandinave s’est-il résigné à rejoindre les rangs de nos Grangé et autres Thilliez nationaux, de ces auteurs de polars cherchant, à chacun de leurs livres, à aller plus loin dans l’horreur… et répercutant finalement une fascination profondément malsaine pour les tréfonds de l’âme humaine ? Ce serait là sous estimer un auteur beaucoup plus malin que ça. Et finalement beaucoup plus original…
Car à partir de l’évasion improbable d’un assassin, le mal en personne va nous offrir une autre excellente enquête de notre cher William Wisting, qui, bien que vieillissant – comme tout le monde – et toujours taraudé par un sourd sentiment de culpabilité, reste toujours imbattable quand il s’agit de dénouer une pelote d’intrigues bien complexes ! On retrouve aussi avec plaisir une galerie de personnages familiers, et en premier lieu, Line, la fille de l’inspecteur qui sera mêlée de près au drame du fait d’un film qu’elle est en train de tourner avec la collaboration de la police norvégienne. La construction de ce mal en personne est particulièrement originale, et donc rafraîchissante, même si l’on finit par retomber sur un whodunnit plus classique : voilà en tous cas de quoi renouveler encore notre intérêt pour la série Wisting (… même s’il n’avait pas baissé !).
Bien sûr, et peut-être plus encore que dans les tomes précédents, le lecteur sera prié de se concentrer sur une intrigue qui se complexifie de manière exponentielle au fur et à mesure que le livre avance, avec une multitude de personnages dont il convient de retenir les noms, pour apprécier l’intelligence des déductions de Wisting. Et à la fin, même si l’on peut regretter que l’originalité du livre n’aille pas jusqu’à nous éviter un affrontement physique avec le criminel vraiment très stéréotypé, on appréciera l’éthique littéraire de Jørn Lier Horst, qui ne va pas chercher des twists alambiqués à la mode, et nous livre au contraire une résolution de l’énigme propre et parfaitement logique.
Cela s’appelle le classicisme, et ça vraiment du bon à notre époque où les polars se vautrent souvent dans le sensationnalisme et ne se préoccupent plus guère de vraisemblance…
Eric Debarnot