Mask Girl, la nouvelle série coréenne proposée par Netflix, ne ressemble à pas du tout à ce que l’on en attend, et c’est tant mieux. A ne pas manquer quand on aime les propos forts (sur la violence sociétale, en particulier faite aux femmes) et les constructions originales !
Mask Girl est l’une des dernières séries coréennes mises en ligne sur Netflix, et étant donné la qualité pour le moins variable de la plateforme, et l’affiche vaguement racoleuse / flashy de la série, il y a un risque que nombre de téléspectateurs passent à côté de ce qui est indiscutablement une nouvelle réussite au Pays du Matin Calme. Plus important peut-être, Mask Girl s’avère une proposition totalement surprenante, qui nous prend à contre-pied, ce qui est à l’heure actuelle (alors que la saturation guette l’amateur de séries…) un vraie bonne nouvelle.
L’épisode 1 (Kim Mo-mi) démarre sur l’histoire d’une jeune femme laide (enfin, suivant les critères d’une société coréenne qui paraît encore plus obsédée par les standards actuels d’une beauté physique artificielle…) dont le plus grand bonheur est, depuis son enfance, de danser en public. Pour satisfaire ses désirs, elle danse sur le web, masquée, et s’attire une fan base conséquente au niveau national… Mais devient également l’objet de désir de dangereux prédateurs sexuels…
… un épisode qui correspond donc à ce qu’on attend, jusqu’au déchaînement de violence logique et inévitable, sans lequel le cinéma coréen ne serait pas le cinéma coréen.
Mais ce qui va très vite se révéler intrigant, et même stupéfiant, c’est que les épisodes suivants – il y en a 7, d’une heure chacun, au total – vont revenir sur ce qu’on a vu, et qu’on croit avoir compris, mais vont également poursuivre l’histoire de Kim Mo-mi, la « mask girl », du point de vue d’un nouveau protagoniste, qui souvent était jusque là un personnage secondaire, voire un simple figurant qu’on avait à peine remarqué ! Cette construction, pas totalement novatrice, mais poussée ici jusqu’au bout de sa logique, va nous offrir d’intenses moments de sidération : on va réaliser que, bien entendu, « tout est relatif », et que les mêmes événements peuvent revêtir un sens différent suivant le point de vue. Et, comme on est en Corée, pays où le « feelgood » n’existe pas dans les séries et les films, on va pouvoir constater que l’humanité est fondamentalement mauvaise, que la perversité peut se nicher partout, et que, inévitablement, les quelques moments de bonheur où l’on « connecte » avec l’autre sont éphémères, voire pire encore, illusoires.
https://youtu.be/6fA-TXGiVqQ?feature=shared
Chaque épisode ou presque va ainsi explorer différents aspects de la violence sociétale : bien entendu les violences faites aux femmes, mais également les humiliations au travail, le harcèlement scolaire, les abus familiaux, l’extrême violence du système carcéral… A la manière coréenne, la série parcours tout le spectre des sensations, jouant aussi bien avec l’humour ironique, l’horreur brutale que la tension du thriller, quasiment toujours avec virtuosité. Signalons aussi aux les amateurs de « polars », Mask Girl offre un certain nombre de surprises dans son scénario qui valent leur pesant d’or.
Si l’on veut aller chercher quelques points discutables dans cette réussite, on peut tiquer sur les changements d’actrices peu crédibles quand il s’agit de montrer l’évolution d’un visage sous les scalpels des chirurgiens esthétiques, ou tout simplement sous les offenses du temps qui passe, et, malheureusement, un dernier épisode finalement plus conventionnel.
Mais, malgré ces quelques défauts, Mask Girl – qui est inspirée d’un webtoon, décidément une nouvelle source d’idées originales – reste l’une des séries les plus originales que l’on ait vues pour le moment en 2023. Et ça, ce n’est pas rien !
Eric Debarnot