Profitons de la mise à disposition en France de la cinquième enquête (plutôt que saison) de la série BBC C.B. Strike, peu connue en France, pour rappeler encore une fois ses qualités…
Est-ce le « bad buzz » dont souffre aujourd’hui JK Rowling, l’auteur des romans policiers dont est tirée la série C.B. Strike ? Est-ce le côté très complexe des enquêtes menées par le détective privé Cormoran Strike – sérieusement amoché aussi bien physiquement que psychologiquement par sa participation aux opérations en Irak – et son associée Robin Ellacott, le sérieux attirant de moins en moins des spectateurs biberonnés aux twists et au suspense ? Toujours est-il que l’une des meilleures séries policières « classiques » visibles sur les petits écran ces dernières années semble peu intéresser le public français. Trop anglaises sans doute (mais avec peu de ce fameux humour qui pourrait faire passer la pilule), ces histoires avant toutes basées sur « l’understatement » britannique, la nécessité de cacher en toute circonstances ses émotions, et la réticence à communiquer franchement avec autrui, semblent en tout cas nous laisser indifférents. Et c’est bien dommage.
La cinquième enquête de C.B. Strike, peut-être la meilleure à date, pourrait changer la donne, car elle va toucher un domaine intime douloureux et universel, celui des secrets de famille, et en particulier autour de la maternité. Ou plutôt des déséquilibres qu’engendrent l’absence d’une mère dans la vie d’un enfant. Car Cormoran doit affronter le cancer de sa mère adoptive, qui l’amène à retourner dans le fin fond de la Cornouailles où il a été élevé et à s’interroger sur le manque qu’il a ressenti, durant son enfance, de la présence de sa génitrice. Or il se saisit en même temps d’un « very cold case » – datant des années 70 – de la disparition inexpliquée d’une jeune femme médecin, qui lui est confié par la fille de cette dernière, qui n’a jamais pu se résigner de n’avoir jamais vraiment connu sa mère. La concordance de ces deux histoires va créer de nombreux troubles chez Cormoran, pas aidé non plus – on le sait – pour l’amour qu’il ressent pour sa co-équipière Robin, et qu’il a décidé de ne jamais plus avouer…
La construction de l’enquête rejoint la structure désormais classique du polar scandinave, chaque épisode voyant les enquêteurs s’intéresser à un ou des suspect(s) potentiel(s) et mettant à jour des situations douloureuses, des faits, voire des crimes supplémentaires… jusqu’à la résolution finale de l’énigme, ici particulièrement habile, nous offrant un coupable original, dans une dernière confrontation (sans violence, on n’est pas à Hollywood) particulièrement mémorable. Bref, Troubled Blood reprend largement la structure de l’enquête précédente (Lethal White / Blanc Mortel), avec le même niveau de complexité exigeant la concentration du téléspectateur, mais sur un sujet, et avec des rebondissements beaucoup plus intéressants. Ainsi, la confrontation de Robin aux crimes passés d’un père et d’un films mafieux est particulièrement réussie, et évoque le sujet épineux de la prescription (légale, mais aussi morale) de crimes abominables.
Comme dans les précédents épisodes, la magie de C.B. Strike tient largement au talent de Tom Burke (qui est passé ces dernières années très près de la célébrité, sans l’atteindre) et à l’alchimie entre Holliday Grainger, qui joue Robin, et lui. Il est impossible de ne pas les aimer tous les deux, et cette empathie, voire cette amour que nous ressentons pour eux fait définitivement de C.B. Strike une série inhabituelle, dans le bon sens du terme.
Eric Debarnot
CB Strike : Troubled Blood
Série anglaise produite par et d’après l’œuvre de Robert Galbraith (J.K. Rowling)
Avec : Tom Burke, Holliday Grainger, Abigail Lowrie
Genre : Policier, comédie romantique
4 épisodes de 1 h disponibles sur Prime Video (Pass Warner)
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