Divertissement efficace, voire séduisant, porté par un Denzel Washington toujours aussi charismatique, Equalizer 3 souffre surtout de son idéalisation naïve du pouvoir des USA.
Récupérant de ses blessures dans un petit village de la côte napolitaine après avoir liquidé tout un gang de cyber-trafiquants siciliens, McCall se trouve obligé d’affronter la redoutable Camorra qui essaie de mettre la main sur cette côte. Gare aux mafieux, qui vont apprendre à leurs dépens qu’on ne traite pas un homme comme lui à la légère !
Aller voir Equalizer 3 une semaine où les dernières sorties en salle avant la rentrée se font rares, c’est prendre un risque somme toute limité. Avec l’efficace Antoine Fuqua à la réalisation et le (désormais) minéral Denzel Washington devant la caméra, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? Bien sûr, on peut s’amuser à noter ce troisième volet de la « saga Equalizer » par rapport à ceux qui l’ont précédé : le consensus semble se faire qu’il est moins bon que le premier, et meilleur que le second… mais cela a-t-il vraiment de l’importance ? Après tout, on ne parle pas vraiment ici de la trilogie du Parrain, ou de toute autre œuvre s’inscrivant dans l’Histoire du Cinéma ! Non, ce qu’on attend, c’est un héros invincible, sombre et cruel, qui tue les méchants sans hésitation et en leur infligeant d’atroces souffrances si possible : et sur ce plan, le contrat est impeccablement rempli. On hait profondément la mafia qui tourmente les pauvres italiens pendant une bonne partie du film, mais on sait qu’ils vont payer le prix pour s’être attaqués à des amis de McCall. A la limite, on aurait presque souhaité que leurs souffrances durent plus longtemps, c’est dire combien ce cinéma-là fait ressortir non seulement le « côté sombre » des personnages, mais aussi celui des spectateurs !
On appréciera que Equalizer 3 manifeste à de nombreuses reprises une passion sincère pour l’Italie du Sud, pour sa culture, pour la générosité de son peuple, pour la beauté de ses paysages, et on arrive même à croire que McCall considère sérieusement s’y établir (même si on tiquera quand l’illustration de la cuisine locale présentée par une bistrotière italienne semble se réduire à une assiette de kebab ! Sans doute une « private joke »…). Dans ce contexte, il est intéressant que Fuqua évite les clichés touristiques et filme plutôt une région sombre, froide, crépusculaire, gangrénée par la Camorra : même le beau village côtier, que l’on a appris à aimer avec McCall, peut être vu finalement comme une antichambre de l’enfer, où la seule résistance est laissée à l’Eglise catholique, bannière derrière laquelle peuvent se réunir les pauvres et les démunis. La profusion d’images saintes, de plans sur des représentations religieuses fait clairement question, et on craint un moment que Fuqua ne veuille dresser un portrait « christique » de son héros sauveur du peuple : heureusement, le sadisme des dernières scènes invalide cette hypothèse grotesque, même si le scénario s’ingénie à conférer à McCall une aura bienveillante envers les victimes impuissantes.
Plus gênant finalement est cette croyance tout-terrain que les US peuvent résoudre tous les problèmes du monde, avec un peu d’ingérence de la CIA et l’envoi sur le terrain de super-guerriers providentiels comme McCall. On aimerait qu’il soit aussi facile dans la réalité que dans le film de régler son compte à la Camorra, mais on sait malheureusement que ce genre de « nettoyage » radical ressemble plus à un vœux pieux, voire, pire, aux rêves de solution par la violence de certains partis extrémistes. Et ça, ça rend tout de suite Equalizer 3 moins divertissant, moins sympathique.
Eric Debarnot