Soirée shoegaze au Supersonic, mais qui révèlera surtout la puissance scénique et le talent d’un autre groupe australien avec lequel il va falloir compter, Flyying Colours !
A l’heure où Slowdive, pourtant modèle indépassable du genre, a abandonné partiellement son shoegaze mélodique sur un dernier album forcément décevant, on a décidé d’aller se rasséréner en écoutant les Australiens de Flyying Colours (attention aux 2 y, qui sont importants pour distinguer le groupe des beaucoup plus ordinaires Flying Colours !), responsables d’un album formidable en 2023, You Never Know, et qui passent ce soir au Supersonic. Aura-t-on raison de le faire ?
A 21h30, c’est le quatuor franco-américain de Healees qui entame un set tout à fait respectueux des codes du shoegaze : deux guitares saturées et une section rythmique métronomique, des voix éthérées et des mélodies cotonneuses, pour une noisy pop brumeuse parfaitement exécutée… Parfaitement exécutée, mais pas aussi excitante ou envoûtante qu’on le souhaiterait, en dépit de quelques montées d’intensité des guitares, çà et là. Le dernier titre du set, Jaguar, plus dansant et plus agressif à la fois, indique pourtant que le groupe en a sous le pied. Peut-être qu’un peu plus de motivation de la part des musiciens sur scène aiderait à mieux communiquer leur amour du genre ? Il reste que le public a globalement réagi très positivement à ce set de près de quarante minutes.
22h30 : surprise, Flyying Colours sont en format trio pour leur tournée européenne qui démarre ici à Paris, au Supersonic : pas de bassiste sur scène, même si des sons de basse sembleront sortir du fond de la scène (le batteur ?). Deux guitares donc : une Stratocaster dans les mains de Gemma et une Jaguar dans celles de Brodie, pour cinquante minutes de joyeux boucan. Shoegaze ? Pas vraiment en fait, ou plutôt pas seulement, hormis un long final sonique enchaînant le violent et rapide Do You Feel The Same ? suivi du lourd et menaçant Oh, deux titres phares du dernier album, en reprenant largement les codes de My Bloody Valentine.
C’est que la setlist n’est pas dédiée uniquement au nouvel album, et nous offre plutôt une visite guidée de toute la discographie du groupe, très versatile stylistiquement. Flyying Colours ont d’ailleurs annoncé un virage musical, et que, en conséquence, nombre des anciennes chansons ne seraient plus jamais jouées ensuite sur scène ! Profitons donc pleinement de cette dernière opportunité d’écouter certains morceaux formidables du passé du groupe… Sur certains titres, les belles mélodies, toutes chantées à deux voix, évoquent la tradition tellement australienne des Go-Betweens (… mais des Go-Betweens qui font tonner les guitares et sont facilement énervés), ce qui nous va merveilleusement bien…
Avec l’irrésistible I Live In A Small Town, avec son décollage à la verticale, tout s’envole littéralement dans une power pop survoltée déguisée en un tourbillon enivrant. Waouh ! Quelle claque ! Le Supersonic, bondé mais plutôt calme jusque-là, se met à hurler. Ensuite, chaque titre est l’occasion de jouer des riffs de guitare de plus en plus lourds et de plus en plus forts (le vieux titre Wavygravy sonne magnifiquement agressif !). Gemma souffre visiblement de la chaleur de cette nouvelle canicule parisienne inattendue en septembre, mais Brodie fait le show sans démériter. A ce moment-là, on est plus dans un set de garage psyché avec guitare dégoulinant d’effets, et qu’est-ce que c’est bon ! Les dix dernières minutes seront consacrées à un chaos rugissant, qui aurait cependant mérité un niveau sonore plus excessif.
Gros plaisir donc que ce concert d’un groupe qui dépasse les clichés du genre, et pourrait bien se confirmer – avec leur prochain album – comme un autre acteur majeur du rock australien, déjà bien riche en talents !
Bon, pour notre alternative du jour à Slowdive, il faudra aller la chercher ailleurs. Mais vous savez quoi ? Aucune déception en sortant du Supersonic ce soir, au contraire !
Texte et photos : Eric Debarnot