La chaleur écrasante de ce mardi soir faisait pâle figure au 104 face à celle qui se dégageait du corps et de la voix de Samuel T. Herring, à la tête de Future Islands.
Future Islands s’est offert un passage plus discret qu’à leur venue en novembre l’année dernière à l’Olympia. Moins de monde, mais un lieu tout aussi plaisant, et surtout une soirée brûlante où Samuel T. Herring a, comme à son habitude, mené la danse avec une énergie folle en nous offrant le concert de la rentrée qu’il nous fallait.
C’est R.A.P. Ferreira qui ouvrait la soirée, un rappeur américain qui n’en paraissait pas un au départ, armé de sa seule guitare classique. Il gratte, improvise, désaccorde et réaccorde pendant une vingtaine de minutes sur des mélodies parfois frisantes, mais on devine facilement que le type n’est pas bon qu’à chantonner au coin du feu. Sa voix est douce, il ne parle ni ne chante jamais vraiment, mais difficile de cerner ce vers quoi tendent réellement ces spoken words. Au terme de cette série d’accords aux résolutions abruptes et de ces « low weird songs », il laisse finalement tomber sa guitare pour se tourner vers son smartphone et rapper – improviser – sur une floppée d’instrus dont il change de la manière avec laquelle on fait défiler les titres en soirée. Etrangement sympathique, on lui devine une certaine renommée dans son domaine, et s’en va de manière tout aussi énigmatique, ne laissant aucune trace de lui, ni de son nom à qui lui aura demandé dans la fosse.
Anodine pour certains, brillante pour d’autres, la pop de Future Islands divise. Et lorsque l’on ne parvient pas à pencher d’un côté ou de l’autre de la balance à l’écoute des albums studios, la meilleure solution reste encore d’aller voir ce que vaut le quatuor américain sur scène. Là, on se rend rapidement compte que le groupe est rompu à l’exercice, et surtout fort d’un public très fidèle et bienveillant. Le scénario est toujours le même, mais fonctionne généralement à merveille, et sous la verrière du 104, la ferveur des fidèles de Future Islands l’a confirmé.
Claviériste, batteur et bassiste ont leur estrade dédiée sur scène – et c’est d’ailleurs là que réside la faille de la performance – tandis que Samuel T. Herring dispose d’un large espace devant eux pour exécuter ses pas de danse endiablés. Il s’impose immédiatement comme le corps et l’âme de ses chansons, il vit en elles et elles vivent en lui, il proclame ses paroles comme des mantras qu’il s’assène à lui-même, et les porte haut et loin, à chaque recoin de la salle et en chacun des regards qu’il croise de ses yeux perçants.
Eternel paradoxe de ce personnage à l’allure débonnaire de l’homme lambda qui ne veut pas trop transparaitre, vêtu d’un simple jean et d’un t-shirt noir, car est mal avisé qui croit avoir cerné le type : Samuel se déchaîne sur scène avec une vigueur peu commune, il bondit, court, serpente, vole – non, mais il pourrait. En bref, l’investissement du chanteur en live n’est plus à défendre, il est en eau, de sorte qu’il faudra apporter deux ventilateurs sur scène histoire de refroidir l’atmosphère, et la tâche n’est pas aisée entre un agitateur de foule en transe et la température extérieure caniculaire.
Les morceaux de Future Islands se ressemblent, on y trouve toujours de cette batterie up tempo, de ces arrangements au clavier minutieux et de cette voix singulière, que Samuel pousse par moments vers le growl sur scène. L’ensemble diffuse une bonne humeur générale, en cette soirée à cheval entre l’été et la rentrée, où l’on reprend le chemin de l’école mais aussi celui de l’intimité des salles de concerts après avoir passé l’été à fouler les pelouses des festivals. Des titres comme Ran ou Seasons sont naturellement accueillis avec des cris de joie, d’autant que Samuel ne manque pas d’introduire chacun de ses morceaux par un préambule témoignant du soin qu’il porte à donner du sens à l’ensemble de ses textes.
Mais détachons cinq minutes le regard du chanteur, et voyons ce qu’il se passe derrière, là où s’orchestre la pop organique de Future Islands avec méticulosité certes, mais presque trop. La place accordée aux musiciens est, au choix, celle qui permet au chanteur de performer le mieux, ou bien ce qui appauvrit l’ensemble du concert, car si l’attitude impressionnante du chanteur comble le large espace qui lui est alloué, on se demande ce que donnerait une véritable présence scénique de la part des musiciens. Imaginez les pieds du bassiste et du claviériste se dévisser de leur socle et prendre part à la magie d’une musique qui finalement, semble étriquée par l’attitude trop impeccable de ses exécutants. Que le groove de cette basse (Before the Bridge, pour n’en citer qu’un) transpire sur scène, que – tous – les corps dansent et interagissent, et l’on obtiendrait une performance des plus fameuses et complètes qui soit.
Toujours est-il que le show en est un, que Samuel s’attache à nous raconter ses histoires avec une implication physique et émotionnelle surhumaine, car c’est ce que sont ses chansons, des histoires de vie qui nous invitent à danser, à célébrer, à balancer la tête le sourire aux lèvres. Au terme d’un rappel quémandé à l’unanimité, Future Islands s’éclipse pour de bon, non sans que Samuel T. Herring ait versé une dernière fois de sa sueur et témoigné de sa reconnaissance envers un public toujours aussi dévoué depuis tant d’années.
Texte : Marion des Forts
Photos : Robert Gil
Bonjour, première partie inappropriée et sans intérêt. Vingt premières minutes d’une sorte de blues avec une version approximative de « Baby, please don’t go » de Big Joe Williams (1935) et que dix minutes (heureusement pour moi !) de rap. Le gars semblait trés désinvolte. A vite oublier !