Dans un livre court et ramassé, François Bégaudeau raconte la vie d’un couple, des années 70 à aujourd’hui. L’histoire de gens simples pour évoquer, de manière presque « photographique », l’évolution de la classe moyenne française sur 50 ans.
C’est le roman que l’on n’attendait pas forcément de la part de François Bégaudeau, un écrivain qui nous a rarement habitué à évoquer de manière aussi directe des choses aussi simples et universelles, pour ne pas dire « terre-à-terre » que les sentiments, dans ses précédents livres. Remarquez, à aucun moment, « d’amour », il n’en est directement question dans l’amour… Bégaudeau est sans doute trop pudique pour aborder frontalement le sujet. C’est en tout cas l’une des principales singularités de ce livre.
Durant 80 pages, l’auteur de l’oubliable La blessure, la vraie (2011), va nous raconter la vie d’un couple ordinaire, Jeanne et Jacques, que l’on va suivre au long de 50 ans de leur existence. Des années 70 jusqu’à aujourd’hui. De leur rencontre, jusqu’à, pour ainsi dire, la fin de leur vie, en passant par leur mariage et la naissance de leur fils.
Même s’il n’est donc pas question de parler du sentiment amoureux dans ce texte dense et ramassé, il est pourtant bien présent et notamment dans la dernière partie, sans aucun doute, la plus émouvante. Car Bégaudeau a voulu l’aborder de manière assez indirecte, évoquant plutôt la tendresse qui unit ces deux êtres, racontant en un minimum de mots les hauts et les bas, les joies et les peines et tout ce qui peut remplir la vie d’un couple ordinaire sur plusieurs décennies.
Pas facile de mener un tel projet, couvrir l’histoire d’une famille sur un laps de temps aussi vaste en aussi peu de pages. Alors, pour marquer le temps qui passe, Bégaudeau use de nombreuses références, des marqueurs culturels (marques célèbres, nom d’artistes ou d’hommes politiques connus…), pour que le lecteur puisse se situer dans le temps et retrouver, pourquoi pas, une petite madeleine de Proust au passage.
D’où peut-être le sentiment de frustration qui que l’on ressentira à la fin de cette lecture, de ce récit qui aura passé trop vite, où l’on aura finalement fait que survoler la vie de Jeanne et de Jacques, à l’image de ces trop courtes soirées, où l’on regardait, en famille, sur l’écran télescopique, ces petits films Super 8 ou ces diapositives retraçant les moments phares de la vie, comme dans les films Les Années Super 8 d’Annie Ernaux ou Et j’aime à la fureur d’André Bonzel, tous deux sortis en 2022.
Il se dégage de ce récit une forme de nostalgie, de mélancolie : on se rend compte du temps qui passe, parfois pas assez vite, parfois trop vite, on se souvient des belles années, des moments de bonheur intense, faits de découvertes, de réussites sociales et humaines, mais aussi des moments douloureux dans une existence faite aussi de compromissions, d’arrangements, de mensonges, de non-dits et de trahisons… De toutes ces choses qui font la vie d’un couple sur le long terme.
Benoit RICHARD