Menacé par le Covid de Damon, le passage de Damon & Naomi au Café de Paris aura été sabordé par une défaillance de la sono, mais ceux qui seront restés à ce concert unplugged auront eu leur dose de beauté.
Après la taille déraisonnable du spectacle de Björk à Bercy, quel plaisir de retrouver les arrière-salles parisiennes, si accueillantes pour ceux qui aiment la proximité avec les musiciens, comme celle du Café de Paris, rue Oberkampf ! Et ce n’est pas pour quelque combo encore inconnu mais prometteur, que nous sommes-là ce soir, mais bel et bien pour les légendaires Damon & Naomi, soit les deux tiers de l’un des groupes les plus séminaux de la fin des 80’s et du début des 90’s, Galaxie 500. On utilise le mot de « légende », tout en sachant bien que, même à Paris, il n’y a au mieux qu’une centaine de personnes qui se souviennent de – et qui ont aimé – Galaxie 500, mais tout le monde sait bien, depuis le Velvet Underground, que l’importance musicale et historique d’un groupe ne se mesure pas à sa popularité. A noter quand même que le show de ce soir était sur la sellette, Damon ayant été testé positif au Covid la semaine précédente, mais il aura été finalement confirmé dans la journée… Même si nous ne sommes pas à la fin de nos peines, nous allons le réaliser…
La soirée a débuté toute en finesse et en charme avec les Parisiens de Cœur-joie, une troupe hétéroclite qui joue une musique assez indéfinissable. Bon, ils qualifient leur musique de « post-twee », mais nous n’avons aucune idée de ce que ça recouvre ! En tous cas, ça chante en français – ce qui fait un bien fou -, il y a des « lalala » qui évoquent le Velvet (encore) de Loaded, et des rythmes zarbis. Comme souvent en France, le chant est perfectible, mais tout ça se révèle d’une fraîcheur bienvenue en ces temps de canicule…
Tugboat Captain, ce sont des Londoniens (du Sud de Londres) classés comme indie pop, ce qui ne veut pas dire grand-chose : on va les situer du côté du Squeeze des débuts, pas forcément pour le style mélodique, mais plutôt pour la joie de jouer, la fantaisie et l’humour. Et pour l’aspect irrésistiblement entraînant de leur musique. Un peu bancal techniquement au début, ce qui ne choque pas d’ailleurs vu la construction non conventionnelle des chansons, le set se muscle peu à peu et devient plus rock sur la fin, et très dansant en plus…
Grosse ambiance sur scène et dans la salle jusqu’à ce que, paf ! le courant soit coupé juste avant la dernière chanson. Coitus interruptus, le groupe – qui devait jouer « unplugged » d’après l’affiche de la soirée – a explosé les limites du dB mètre : le courant a sauté automatiquement, du fait d’un voisin se plaignant d’un volume sonore trop élevé, et créant régulièrement des ennuis au Café de Paris ! « On est trop rock’n’roll pour Paris », rigole le groupe. Bon, même si on fait contre mauvaise fortune bon cœur, c’est quand même triste de vivre ce genre d’incident un samedi soir à Paris.
Mais le problème va s’avérer beaucoup plus sérieux, au point d’impacter le reste de la soirée. La coupure impromptue a endommagé la sono, qui émet un bourdonnement insupportable ! Damon & Naomi vont devoir faire sans sono pour les voix, alors que c’est, expliquent-ils, la seule exigence technique qu’ils ont pour pouvoir jouer correctement. Damon nous explique qu’ils ne sont pas comme Edith Piaf – une artiste qu’il a l’air de vénérer et dont il voulait visiter la maison juste à côté, à Ménilmontant – et n’ont pas le genre de voix forte (… doux euphémisme !) qui puisse se passer d’amplification ! Et nous sommes finalement partis à 22h40 pour un set vraiment « unplugged » : bon, la guitare de Damon et le clavier et la basse de Naomi sont branchés aux amplis, mais réglés au minimum afin que les voix puissent rester audibles. Avec un silence total de la part du public, on est dans une atmosphère « concert en appartement » ! Ce qui est assez approprié pour la musique calme et intimiste de notre duo !
C’est donc dans une ambiance recueillie – comme on dit – que Damon Krukowski et Naomi Yang déroulent leur dream pop, en neuf chansons qui sont toutes animées d’une véritable grâce. Et qui, dans des conditions plus faciles, auraient été magnifiques.
Damon se rattrape en parlant beaucoup entre les chansons, en expliquant leur origine (par exemple que le touchant Between the Wars célèbre les dernières retrouvailles de Django Reinhardt et Stéphane Grappelli à la libération…), mais surtout en nous racontant pas mal d’anecdotes amusantes sur des galères vécues au cours de leurs tournée : une coupure complète d’électricité à Séoul, qui lui avait fait croire que les Nord-Coréens avaient balancé une bombe, un système de ventilation débranché par erreur dans un pub britannique qui avait conduit un ami musicien allergique à l’hôpital… Une belle démonstration de ce sentiment de paranoïa qu’il nous explique comme justifié par l’expérience, tandis que son épouse sourit doucement à côté…
Peut-être même que Damon parle trop, car ils auraient pu jouer les 13 titres prévus sur la setlist au lieu de neuf seulement, en une heure. Mais bon, c’était sympathique d’échanger ainsi, à la bonne franquette. Le plus beau moment de cette soirée très particulière aura été pour nous l’interprétation de Helsinki, qui est justement une histoire de galère quand Damon et Naomi étaient restés bloqués en Finlande du fait de l’éruption du volcan Eyjafjallajökull en 2010. On termine par un retour sur les années Galaxie 500, avec Another Day, puis avec une magnifique reprise de Tim Buckley, Song to the Siren… mais non sans que Damon ait encore déliré un bon moment sur l’album Hamlet de notre Johnny Hallyday national, qu’il dit avoir repris avec Dominique A et Françoiz Breut, et qu’il nous recommande chaudement : un conseil que nous nous dépêcherons de ne pas suivre !
On espère revoir très vite Damon & Naomi après cette soirée catastrophe, qu’ils auront toutefois réussi à enchanter grâce à leurs chansons et leurs voix. Sans amplification…
Texte et photos : Eric Debarnot