C’est par le biais d’une évocation de sa passion pour les oiseaux, qu’Amélie Nothomb aborde ses traumas d’enfance, son rapport aux morts et notamment son père. Un récit extrêmement intime.
Psychopompe, le 32ᵉ roman d’Amélie Nothomb peut se voir comme une sorte de réflexion autour de l’écriture, notamment dans sa dernière partie, mais aussi, ce qui est plus surprenant, sur la vie et la condition des oiseaux avec lesquels elle se trouve des points communs ; il faut dire que, dès sa plus tendre enfance, Amélie se prend de passion pour les oiseaux… Au fil des pages, elle bifurque vers un subtil rapprochement entre l’art de voler et celui d’écrire. Elle en profite pour évoquer, de manière plus ou moins métaphorique, de douloureux épisodes de sa vie, quand elle a failli perdre complètement pied. Heureusement, la littérature était là pour l’aider à surmonter le mal.
Psychopompe est un récit autobiographique qui vient clôturer la trilogie entamée avec Soif –, l’un de ses plus beaux et plus audacieux romans de sa bibliographie – où il est question de Jésus, et Premier sang (Prix Renaudot 2021), où il est question de son père. Dans ce dernier volet, elle raconte, d’abord, comment elle s’est découvert cette passion pour les oiseaux, notamment à travers les pays qu’elle a parcourus durant son enfance, quand son père était envoyé comme ambassadeur en Chine, au Japon, au Bangladesh, ou encore en Birmanie. Avec la pudeur qui la caractérise, elle évoque ses traumas, le viol dont elle a été victime au Bangladesh, alors qu’elle avait 12 ans, mais aussi la curiosité qui l’anime depuis toujours, cette envie de découverte permanente qui lui a permis de toujours garder la tête hors de l’eau. C’est ainsi que, petit à petit, l’écriture s’est imposée à elle, et qu’elle en a fait un mode, de vie, s’astreignant à écrire chaque matin.
« J’eus à apprendre également la règle de s’embarrasser d’un minimum de matière. Pour s’envoler, I’oiseau sait ce qu’il ne faut pas emporter : tout ce qui pèse.
A quoi reconnaît-on l’écriture du débutant ?
A ses excédents de bagages. Il n’épargne rien à sa phrase, et si on le ques- tionne sur l’importance de tel ou tel élément, il s’insurge : – Ah, ça change tout, on a besoin de le savoir! Pouvoir différencier le détail qui compte de celui qui leste, le mot puissant du mot encombrant : un art qui prend des année. »
L’auteure de Stupeur et tremblements revient aussi sur ses débuts, ses premiers textes, son arrivée chez Albin Michel, mais également sur le livre qu’elle a consacré à ce père (Premier sang) qu’elle évoque encore une fois dans ce livre avec beaucoup de tendresse, racontant comment elle parle par la pensée à cet homme auquel elle a dit « je t’aime » pour la première et la dernière fois juste avant que celui-ci ne meure durant le confinement en 2020.
On l’aura compris, c’est un récit extrêmement intime et personnel que nous livre là Amélie Nothomb, qui nous dit combien la littérature fait sa joie et semble constituer depuis toujours le carburant de son existence, même quand il s’agit d’évoquer la souffrance et le deuil.
Benoit RICHARD