Si vous pensez que survivre à l’apocalypse est une chance, quand bien même au paradis, ce thriller fantastique littéralement stupéfiant devrait très vite vous persuader du contraire. Chronique de la première partie d’un diptyque à succès de cette année 2023.
Au départ, quand Walter avait invité ses amis dans cette magnifique villa du Wisconsin, aucun n’aurait pu se douter de ce qui les attendait, et surtout pas la fin du monde ! Alors qu’un feu cataclysmique tombé des cieux semble avoir ravagé la planète entière, seule la maison et les alentours semblent avoir été épargnés. Quant aux onze personnes coincées dans ce refuge luxueux, quelle est la raison de leur présence ? Seraient-elles les seules survivantes à l’apocalypse ? Walter va leur donner rapidement une partie de l’incroyable vérité, révélant au passage sa vraie nature…
Si l’on peut rarement se fier à la couverture d’un livre pour juger de la qualité de son contenu, dans le cas de The Nice House on the lake, c’est l’exception qui confirme la règle. En examinant sa couverture, notre regard est comme aimanté par cette villa d’architecte représentée de nuit et évoquant la célèbre « maison sur la cascade » de Frank Lloyd Wright, cocon de lumière se reflétant dans les eaux en contrebas. C’est donc dans cette demeure (et son proche périmètre) que va se dérouler cette histoire absolument captivante.
Pour concevoir son scénario aux petits oignons, James Tynion IV a intégré plusieurs ingrédients imparables. La villa de luxe paradisiaque, bien sûr, qui s’avérera très vite n’être qu’une cage dorée, dans laquelle va se jouer un huis-clos tendu, sorte de remake des Dix Petits Nègres, où les protagonistes, affublés chacun d’un symbole par leur hôte et « ami » Walter, ne meurent pas (car ils ne peuvent pas mourir…), avec en toile de fond une fin du monde abominable dont on ne verra que de rares vidéos et photos sur les smartphones des invités. Ces derniers, sous l’égide dudit Walter, qui a « tombé le masque » et ne fera que des apparitions très ponctuelles mais perturbantes, vont se voir entraînés malgré eux dans un étrange jeu de piste aux rares indices, si ce n’est la présence de ces sculptures très énigmatiques qui semblent se livrer à une danse insolente.
Si le trait épais et charbonneux d’Álvaro Martinez n’est pas particulièrement remarquable, il a le mérite de l’efficacité pour être au diapason du récit par son âpreté et son cadrage millimétré, totalement en phase avec les codes du comics US.
Non seulement ce premier volet de The Nice House on the lake nous happe dès les premières pages, mais il nous tient en haleine jusqu’au bout. Irrigué par mille et un mystères, ce récit impressionne par ses qualités narratives de haute volée, servies par une imagination foisonnante. Il va sans dire qu’on a hâte de découvrir la suite de ce diptyque, dont je ne manquerai pas de vous faire le compte-rendu très prochainement.
Laurent Proudhon