On n’attendait même pas Panayotis Pascot au tournant, on ne l’attendait tout simplement pas. Mais, dans la voie quasi sacrée de la littérature française, sa personnalité, son ton cru et son introspection sans véritable auto-dérision surprennent en cette rentrée littéraire. Un coup de coeur de l’intime.
Davantage connu pour ses débuts drôlatiques et un peu gauches sur l’émission Quotidien avec Yann Barthès, ou seul sur scène dans des one-man-show déjà très personnels mais où le rire prédominait, Panayotis Pascot déjoue les attentes sur son premier roman autobiographique. Et comme il le dit lui-même, ce livre devait être un long sketch pour la scène, puis l’auteur s’est rendu compte au fil de l’écriture que ce n’était absolument pas drôle. Dont acte, dont livre.
Et ce qui marque d’emblée, dès les premières pages, c’est l’incarnation totale de la personne dans ce qu’elle écrit. Pas de fard, pas de métaphore poétique pour dissimuler la difficulté des situations décrites : il balance sans pudeur, sans drame non plus, mais avec la lucidité de celui qui constate, digère sans vraiment porter de jugement, sinon le sien, et encore sans se flageller. On est d’ailleurs un tantinet inquiet sur les premiers paragraphes : encore un auteur dont les pages blanches bientôt noircies de détails scabreux vont servir d’exutoire pour balancer des horreurs de manière extrêmement littéraire et chiadée ? Un nouveau « regardez comme je souffre mais comment je l’exprime bien » ? Crainte rapidement dissipée. Oui, Panayotis évoque son enfance, sa puberté, sa relation père-fils très compliquée, la découverte de son homosexualité, ses premières amours, ainsi que sa dépression. Il ne déroge donc pas à la règle (assez française pour le coup) du léger nombrilisme d’écriture. Par contre, c’est tellement cash et sincère que ça en devient particulièrement touchant.
La douce mélancolie qui émane de ce premier livre, aux frontières de l’humour, demeure la qualité première. Comme pour un parfum entêtant, on est progressivement happé par l’introspection du garçon aussi sensible qu’énervant dans ses atermoiements d’ado complexe et qui ne sait jamais comment être ou se placer dans une société dont il se sent différent souvent et parfois exclu. Même si des passages restent assez violents dans leur description ou ressenti, Pascot en fait sa matière première pour synthétiser sa pensée assez noire et tenter de trouver des solutions jusqu’à l’apaisement, voire une certaine liberté intérieure. On sent évidemment que ce livre a dû lui servir d’échappatoire ou de remède à ses maux, mais cela ne souffre jamais de pathos ou de lourdeur. Au contraire, comme dit précédemment, une douce violence en ressort, aussi belle que nécessaire, et qui donne finalement ce ton unique et prometteur. Et un très beau premier essai dans la littérature d’ici, fraîche et percutante.
Jean-françois Lahorgue