Perpétuateur enthousiaste d’une certaine idée – britannique – de la pop, Popincourt le bien nommé, revient avec un troisième album, We Were Bound To Meet, qui lui permet de raffiner encore sa musique.
De moins en moins de gens se souviennent que, au début des années 80, en Grande-Bretagne, tout n’était pas que Cold Wave, Synth Pop ou disco, et que la décennie vit l’épanouissement de ce qu’on appelait alors une « pop music » (à la fois musique populaire, mais aussi musique centrée sur des mélodies accrocheuses) particulièrement élégante, légère, « stylée ». Nous vénérions alors des Style Council (l’aventure post-Jam de Paul Weller), des Aztec Camera, des Orange Juice, des Pale Fountains, et bien d’autres, irrigant la tradition anglaise de la chanson d’influences soul ou jazz. Même si ce courant ne fut jamais énorme commercialement – trop sophistiqué, trop ambigu peut-être -, il marqua durablement nombre d’adolescents de l’époque, rebutés par la vulgarité des courants dominants de la musique commerciale.
L’un de ces adolescents sera Olivier, qui, quant à lui, ne s’en remettra jamais, et essaie toujours, quarante ans plus tard, de recréer cette magie, d’album en album. We Were Bound To Meet est déjà son troisième, et on peut reconnaître que c’est celui où il s’approche le plus des canons de la musique qu’il vénère, sans jamais sonner comme un vulgaire copieur, ni, peut-être pire encore, comme un « revivaliste » nostalgique. La construction en est des plus classiques – dans le meilleur sens du terme – trente minutes, dix chansons, alternant ballades et rythmes plus soutenus, mais variant également les styles tout en gardant une cohérence sonore, soit la règle d’un « album réussi ». Le morceau d’introduction, Wire Crossed Lover, est celui est porté par l’énergie la plus « rock ». Plus loin, Love On The Barricades, chanté en duo avec Gabriela Giacoman, et le pétulant Late To The Party, sont ce qui se rapproche le plus du travail des références eighties d’Olivier, mais ne sont finalement pas si représentatifs que ça d’un album qui explore plutôt des rythmes languides et des atmosphères soyeuses.
Emballé dans une pochette parfaite – il faut le dire, ce n’est pas si souvent qu’on sent l’attention portée au look refléter la précision de sa production -, tout We Were Bound To Meet respire la légèreté, grâce à un travail sonore fûté, réduisant la présence de la guitare, et privilégiant une rythmique élastique, créant un espace souvent étonnant à la voix et aux mélodies. L’utilisation de belles voix féminines vient ajouter de la variété et une indiscutable profondeur à la plupart des morceaux : Road To Recovery est même principalement chanté par Susan Shield, avec Olivier aux backing vocals, et cette inhabituelle inversion des rôles contribue à la complexité émotionnelle de l’album. On a aussi droit à de belles orchestrations de cordes, en particulier sur un Little Rainfall, Intense Sunshine, sorte de BO d’un film imaginaire au romantisme à la fois suranné et pourtant éternel, ou sur The Worst of Lullabies dans un rôle plus perturbateur, plus moderne.
La conclusion de l’album, Song for Yeu, au titre malin puisqu’il s’agit d’une déclaration d’amour par Olivier à l’île dont il est originaire, nous rappelle opportunément que, au delà des clichés des chansons d’amour, on peut souffrir de l’éloignement par rapport à un lieu : cette « saudade », même si elle n’emprunte pas les chemins de la musique brésilienne, de la bossa nova chère au cœur d’Olivier, imprègne rétrospectivement tout l’album de son humeur tristement rêveuse, et confirme toute la valeur de la musique de Popincourt.
Eric Debarnot