Le trio canadien revient avec un concept album qui raconte l’histoire de Barbara. Une musique toujours pop, toujours électro qui est souvent festive et groovy mais aussi bien froide. Des morceaux très léchés, bien arrangés, très construits, aux mélodies addictives. Le couleur est un groupe définitivement subtil et complexe, qui produit une musique intelligente.
Le couleur compose et joue des morceaux trompeurs : les rythmes groovy, les mélodies dansantes et éthérées, les guitares rythmiques assez funk, l’ambiance disco qui se dégage de certains morceaux donne l’impression qu’on a affaire à un groupe léger, dont on pourrait écouter les albums en sirotant un cocktail sur la plage en fin de journée, un jour d’été évidemment. La détente, le fun, lâcher prise… En réalité, cet album, et de manière plus générale les albums du groupe, sont des « jeux de lumière maquillés » (À la rencontre de Barbara). Les questions qui obsèdent le groupe sont graves et sérieuses. Le précédent album dont Le Couleur nous avait offert une version deluxe chroniquée ici d’ailleurs parlait déjà de la mort – le Concorde du titre n’était autre que celui qui s’était crashé en 2000 à Gonesse. Comme dans un penthouse est aussi un disque sombre. Il est aussi question de crash – le groupe dit s’être inspiré du film de David Cronenberg. Le premier morceau de l’album Autobahn se propose d’ailleurs de faire « l’autopsie d’un crash », celui de Barbara – l’héroïne de ce concept album qu’est Comme dans un penthouse. Barbara, « en en route vers les montagnes », qui « roulait à 180km/h/Oui, sur la route 406/Avec son amant/C’est une perte totale/Non, touchée aux cervicales/Oui, oui, oui, sur le coup ». Sur le coup, quoi ? On imagine, mais on n’en saura pas plus, mais le ton est donné. Sacrée Barbara !
Curieuse entrée en matière, curieuse manière de faire connaissance avec Barbara alors que le morceau À la rencontre de Barbara n’est que le 3ème de l’album (un morceau festivement funky, groovy en diable). Le groupe multiplie décidément les fausses pistes, il multiplie les arrangements aux sonorités sombres au milieu de guitares funk, de claviers électro, de basses rondes et dynamiques. D’ailleurs, parlant de claviers électro, ceux d’Autobahn ne sont pas morbides du tout, rien à voir avec le crash à 180 à l’heure sur la route 406 ; rien à voir avec la version de Kraftwerk du même thème (mais encore une référence au groupe allemand, après le Excellence Europe Express du précédent album ?). Le début du morceau est lent et méditatif, avant d’accélérer et de foncer avec Barbara vers le crash (ou vers les montagnes), sur des rythmes électro-pop très dynamiques – le côté 180 km/heures –, léchés et sophistiqués. Les arrangements se complexifient au fur et à mesure et le morceau prend une belle épaisseur.
Par la suite, l’album continue de se développer entre rythmes dansants et textes sombres. Le très très bon second morceau de l’album est porté par des rythmes souples, très groove, très sensuels, des claviers sixties lumineux, une voix légère, aérienne, caressante et une mélodie imparable, pour parler d’Addiction (« elle se croyait presque à l’abri/Pourquoi pas ») et lancer un message, « faites attention » parce que « Rien ne s’arrête/Sur l’autobahn »).
Le couleur – Concorde (deluxe edition) : envolez-vous en musique !
Intéressant cette référence à l’autobahn : les morceaux se répondent. Addiction contient une référence à deux autres morceaux de l’album, Penthouse et Au 44ᵉ étage…I nvisible touch. Penthouse, un excellent morceau porté aussi par une basse ronde et des rythmes très sinueux, et une superbe mélodie (encore une fois chantée d’une voix très éthérée). Au 44ᵉ étage… Invisible touch est un peu moins convaincant (le côté autotune est-il indispensable ?). Mais l’album se termine avec un autre très bon morceau, encore une fois plein d’ambiguité : entre groove léger pour la musique et violence pour les textes, une invitation (« Installez-vous/Ne soyez pas choqués/Laissez-vous aller/Des sentiments nouveaux ») et une mise en garde (« Adhérez/Sans action/Et surtout/Faites attention »). Faites attention, mais écoutez Le couleur !