Le Procès Goldman partage avec la Palme cannoise 2023 d’être un film de procès ayant reçu un bon accueil critique. Mais à la dissection d’un couple qui se délite chez Justine Triet répond chez Cédric Kahn le retour sur les dynamiques politiques de la France des années 1970.
Lorsque s’ouvre Le Procès Goldman, Pierre Goldman, demi-frère aîné du célèbre chanteur, militant d’extrême-gauche, écrivain et braqueur, a été condamné à perpétuité pour quatre braquages à main armée. Son livre sorti en détention Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France a été un succès en librairie et a fait de lui un héros de la Gauche intellectuelle. Le film raconte son deuxième procès, dans lequel il plaide coupable de trois braquages, mais pas de celui pour lequel il est accusé d’avoir tué deux pharmaciennes. Un Georges Kiejman pas encore devenu pilier du barreau, ironiquement campé par le coscénariste du film de procès palmé de cette cuvée cannoise (Arthur Harari), va tenter de l’acquitter de ce dernier chef d’accusation.
A défaut d’être formellement renversant, le film de Kahn a un projet de mise en scène relativement plus ambitieux qu’Anatomie d’une chute : plans fixes cadrés au cordeau en 1 :33, fixité au départ rompue par la dynamique de quelques travellings. Mais progressivement sans perdre son sens du cadre la mise en scène va se faire relativement plus banale, notamment avec le systématisme des contrechamps sur les réactions d’un public qui incluait Simone Signoret et le compagnon de guérilla de Goldman Régis Debray. En revanche, rien à dire concernant un Arieh Worthalter campant un Pierre Goldman à la fois antipathique et talentueux bateleur de foules. Une répartie mettant les rieurs de son côté, un discours anti-police mettant dans sa poche la fraction du jeune public encore marquée par 1968 et un parallèle entre le racisme subi par les Français de la diversité et le vécu des Juifs d’Europe de l’Est lui valant les hourrahs de la fraction d’origine étrangère. Mais aussi un accusé à deux doigts de récuser un avocat qu’il traite de Juif de salon et se pensant seul apte à assurer sa défense.
Les plaidoiries emphatiques, les réactions du public et l’obstination maniaque de Kiejman afin de frapper les témoignages accusateurs du sceau du doute raisonnable font flirter le procès et le film avec la farce. Un Kiejman qui, en tentant de débusquer telle expression raciste chez un témoin ou un flic pour discréditer leurs paroles, n’est pas très loin de la future stratégie de Johnny Cochran sur le procès O.J. Simpson. Mais le portrait de Kiejman est nuancé en montrant via ses regards incrédules qu’il doute un peu de l’innocence de celui qu’il défend et hésitant à mêler au procès son propre vécu difficile de descendant de Juifs d’Europe de l’Est. Si l’idée d’un procès comme miniature des fractures d’une société était attendue dans le cas présent, elle s’accompagne d’une part de didactisme (le public n’existant que par ses réactions à l’unisson). Le scénario a surtout un peu la main forcée quand elle tente de relier les fractures du procès à celles de notre époque (police vs Français issus de l’immigration et jeunes manifestants gauchistes, extrême-droite vs extrême-gauche, peuple de Droite vs élites de Gauche, les fantasmes complotistes…).
Chez Triet, le procès était confrontation de scénarios. Chez Kahn, c’est la vue de coupe d’une époque où une certaine violence révolutionnaire fascinait encore à gauche. Mais dans les deux cas la vérité n’émerge pas forcément de façon évidente.
Ordell Robbie
Le Procès Goldman
Film français de Cédric Kahn
Avec : Arthur Harari, Arieh Worthalter, Jeremy Lewin…
Genre : Drame, Judiciaire.
Durée : 1h55mn
Date de sortie en salle : 27 septembre 2023