Non seulement ils ne se séparent pas, mais ils signent en outre un de leurs meilleurs albums : un énième coup de maître de la part des membres d’Explosions In The Sky, solides piliers du rock instrumental.
Explosions in the Sky est un emblème du post-rock, la figure tutélaire de nombreux groupes qui essaient de se faire une place au sein de cet outre-monde où guitares abrasives et percussions orchestrales sont communes mesures. Mieux, ils s’exportent par-delà les abysses de leur genre musical vers le cinéma, sans que ne soit jamais franchi le seuil de la complaisance. Les bandes originales composées par Explosions In The Sky, si elles s’accompagnent d’un inévitable cahier des charges, ne font pas pâle figure au sein de leur discographie et étendent remarquablement leur palette sonore.
C’est donc après six albums studios et cinq bandes originales, que le quatuor aboutit naturellement à End, qui ne signe non pas la fin du groupe mais celle d’un récit mené depuis un peu plus de vingt ans. Certes, le titre est alarmant, et la seule annonce du « End Tour » en avril dernier avait de quoi semer la panique. En réalité, ce titre ne cache que l’excitation d’une page qui se tourne et celle d’une nouvelle qui s’écrit. Il n’est pas plus question d’une fin que d’un adieu, le quatuor nous conte au contraire le début d’une nouvelle histoire, celle où se croisent quantité de récits enchâssés.
S’il n’y a pas grand-chose, pour ne pas dire rien à reprocher à la carrière du groupe, il force encore l’admiration sur ce septième album, car tout y est familier et sonne pourtant comme neuf. On ne saurait dire si Ten Billion People reflète mieux la grandiloquence ou l’humilité du groupe, et c’est ce qui vaut à Explosions In The Sky son succès. Du reste, chaque titre incarne un mouvement vers cet ailleurs, vers l’au-delà de cette « fin » supposée. Moving On et Loved Ones symbolisent ce carrefour où s’achève une voie et où en éclosent d’autres, où leurs percussions nous hissent au sommet et leurs arpèges nous rappellent à la vulnérabilité de cette position. Chaque ascension s’accompagne d’une leçon de vie, d’un temps de réflexion accordé par Peace or Quiet et ses lignes légères et aériennes : observer, contempler, pour mieux prendre son envol.
Le quatuor calcule volontairement sa trajectoire, et non l’atterrissage ; il contient ses guitares sur All Mountains, patiente tacitement avant que n’éclate toute l’envergure de leur puissance sur The Fight, une exultation fameuse pour célébrer un pacte conclu avec l’avenir. Tout a été dit, ne reste qu’à rouvrir les yeux après l’ivresse du décollage et se laisser porter par le piano si juste de It’s Never Going To Stop qui, on l’aura compris, ne clôture rien d’autre que le format de cet album, et n’invite qu’au recommencement.
Explosions In The Sky nous livre là encore un manifeste du post-rock, de celui qui conjugue la virtuosité de la tradition et le hasard de l’expérimentation et qui, sans un mot, raconte l’histoire de mille vies.
Marion des Forts