Plaisir non dissimulé de revoir les sympathiques protagonistes de la « teen » série la plus rafraîchissante du paysage sériel actuel. Petite frustration aussi pour cette ultime saison riche en émotions mais qui semble arriver au bout de son concept déconstruit et de ses vertus pédagogiques. Diagnostic détaillé ci-dessous !
Dernier raout pour une des séries phares de Netflix depuis son lancement, la saison 4 de Sex Education était aussi attendue que redoutée. La saison 3 avait un peu laissé sur sa faim, la machine bien huilée risquait de ne pas rester parfaite à trop tirer sur la corde, bref… les craintes habituelles sur des séries à succès quand elle durent ou s’éternisent.
Pour le coup, ce début de saison brouille un peu les cartes, et désarçonne. En effet, nos héros (du quotidien) débarquent au lycée de Cavendish après la révolution menée au lycée de Moordale – tous sauf Maeve, qui suit ses études aux Etats-Unis. Un lycée aux antipodes de l’autre, puisqu’on est sur une utopie sociale d’établissement scolaire complètement ouvert et woke. Ici l’étrangeté viendrait davantage d’élèves peu déconstruits ou restant dans une trop vague normalité. Résultat : notre groupe préféré n’a plus besoin de quelconque revendication, au contraire, ils paraissent bien timorés face à leurs camarades de classe représentatifs de tout ce que pourrait être une société parfaitement inclusive, sans jugement ni phobie quelconque. Exagéré, over-tout : les premiers épisodes mettent en exergue les lourdeurs que comporte depuis longtemps la série.
Dépeindre cet âge adolescent qui se déconstruit de plus en plus de nos jours, et amener un ton original et très progressif sur cette période qui se pose moults questions, telle est la principale qualité de Sex Education. Mais là, en faire trop, montrer trop, affaiblit pour moi le sens et le propos originel. Ici, absence totale de racisme, d’homophobie, etc… tout le monde baigne dans un monde safe, sans préjugés, parfait donc. Le récit prend ainsi une tournure fantastique tant le propos tellement vivifiant au départ se pare des atours de l’impossible, du fantasmé total, et d’un optimisme qui frise l’hypocrisie. Un monde idéal, qu’une réalité devrait rattraper très vite, mais que la série ne montre pas du tout. Du coup, l’ambiance colorée, ultra-positive, coeur avec les mains et problèmes d’amour ou de cul résolus en deux claquements de doigts, tout ce maelström pailleté, autrefois si frais, paraît cette fois trop lourd, trop sucré, trop naïf, trop tout, en somme. Et les situations, comme les scènes, virent au n’importe quoi hystérique ou aux sous-histoires insignifiantes. Sans compter sur l’exilée Maeve dont l’histoire parallèle a du mal à susciter notre intérêt.
Et puis… tout d’un coup, l’ambiance se calme un peu, quand les tensions et les rencontres se précisent, ou quand Maeve revient des States… comme si le petit groupe de départ faisait corps et défendait à nouveau leurs idées, leurs existences. Les thèmes évoqués cette saison sont enfin traités avec justesse et de manière frontale (asexualité, plaisir anal chez les hétéros, la pansexualité, la transition, le consentement) et auxquels s’ajoutent des sujets assez inédits et bienvenus – la dépression post-accouchement, le déni d’abus dans le passé, la charge mentale d’être mère et âgée – … soudain, la série semble élargir son cercle d’audience pour parler de sexe et d’amour avec toutes les générations, chacun avec ses soucis et ses questionnements, peu importe l’âge. Et, comme un bonus sur ce revirement bienvenu, l’émotion et le tragique viennent enfin balayer l’invraisemblance du début pour proposer avec intelligence un dernier tiers de saison que certains n’apprécieront sans doute pas, mais qui marque par son désir de revenir à du réalisme parfois difficile, mais vraiment humain et attachant.
Dernier tour de piste, donc, pour la série qui aura osé parler de sexe sans fard ni sans tabou, mais avec malice et pudeur, le tout servi par des personnages attachants et des comédiens parfaits (Gilian Anderson en tête). Cela n’aura pas été sans défauts, surtout sur cette ultime saison qui a mal démarré, mais on en tiendra peu rigueur au regard du plaisir que les téléspectateurs auront eu à suivre ces étudiants en proie à leur pire ennemi : eux – avec les autres.
Jean-François Lahorgue