Avec un point de départ politiquement intéressant, et en extrapolant à partir du calvaire réel des migrants traversant les mers au péril de leur vie, Nowhere s’avère un simple « survival movie » efficace mais somme toute bien limité.
Dans Nowhere, l’économie mondiale s’est effondrée – sous l’effet de la crise climatique ? – et dans de nombreux pays, comme l’Espagne, ce sont des gouvernements autoritaires qui sont au pouvoir, et gèrent l’absence de ressources par des méthodes extrêmes, comme empêcher la croissance de la population par tous les moyens possibles, y compris l’incarcération des femmes enceintes et des enfants. Mia – enceinte – et Nico fuient leur pays en confiant leurs sorts à des passeurs qui leur ont promis de les emmener en Irlande, seul pays européen encore démocratique… Mais une série d’événements tragiques va séparer le couple et obliger Mia à affronter seule la traversée de l’océan, à bord d’un container !
Nowhere démarre comme une fable politique, rappelant aux plus égoïstes parmi nous, toujours prêts à rejeter les migrants qui tentent de survivre en quittant leur pays et traversent les mers au péril de leurs vies, que chacun d’entre nous pourrait bien, et plus rapidement que nous le pensons, se trouver dans la même situation : c’est là un point de départ passionnant… même si l’on réalise que les horreurs de la dictature sont traitées de manière tellement exagérées qu’elles en deviennent très peu crédible (finalement, la série espagnole l’Autre Côté était plus vraisemblable sur un thème similaire). Mais ce n’est qu’on point de départ, et le scénario va rapidement se focaliser sur les épreuves terribles que va affronter Mia, prête à accoucher, perdue en mer… abandonnant donc toute velléité de poursuivre dans une parabole sur l’état actuel de notre société.
Relever le défi d’un film avec un seul personnage, qui plus est, enfermé une grande partie du temps dans un espace clos, est évidemment honorable en soi, et Nowhere est loin de démériter : d’abord – et surtout – parce qu’Anna Castillo (récemment vue et appréciée dans les Tournesols Sauvages) nous livre ici un travail d’interprétation superbe, jusqu’à ces scènes dramatiques, mémorables, où l’émotion culmine par la seule grâce de son jeu ; ensuite parce qu’Albert Pintó, dont le nom était associé récemment à des divertissements flashy et superficiels comme Sky Rojo et la Casa de Papel, s’avère plutôt efficace – et pas trop démonstratif – dans sa mise en scène. Il reste que le film fait un bon quart d’heure de trop, et que certains passages du calvaire de Mia auraient gagné à être raccourcis pour que la tension ne retombe pas.
Mais finalement, le principal problème de Nowhere, au delà d’une conclusion fort peu vraisemblable, est bien la superficialité de son propos : le principe même du « survival movie » réussi est le changement que les épreuves apportent à celui / celle qui fera tout pour survivre, voire même, pour les plus réussis, des questions existentielles que l’affrontement entre l’homme et la nature toute-puissante soulève. Or, rien de tout cela ici, Nowhere stagne désespérément au niveau le plus trivial possible, tout en annihilant l’impact des moments les plus désespérés en y injectant inconsidérément du « spectacle » , de la « magie cinématographique » (on pense à la scène excessivement maladroite de la baleine…).
Bref, nos espoirs sont largement déçus, et le film de fiction sur les épreuves des migrants traversant les mers au péril de leur vie reste à faire.
Eric Debarnot