Françoise-Marie Santucci, Pierre Lepidi et Pat Masioni nous font découvrir un homme d’État juste, sans doute maladroit, mais authentiquement visionnaire.
Alors que le rarissime prénom de Léa-Thomas vaut à une très jeune fille franco-burkinabaise les moqueries de ses camarades, elle va être amenée à s’intéresser à la vie du capitaine Thomas Sankara, l’homme à qui elle doit ce fardeau. Or, ses parents se révèlent connaître cet inconnu. La préparation d’un exposé lui permettra de découvrir son histoire et de mieux connaitre ses propres racines. La suite est passionnante, les journalistes Françoise-Marie Santucci et Pierre Lepidi nous content la courte et tragique épopée d’un authentique héros africain. Leur scénario mêle habilement biographie et quête des origines, vérité historique et naissance d’une légende.
Né en 1949, ce fils d’un simple gendarme devient officier. Marqué par la révolution malgache, Sankara s’empare du pouvoir en 1984 à la suite d’un coup d’État, et, de suite, se distingue par son honnêteté et son intransigeance. En moins de quatre ans, il interdit l’aide alimentaire, qui entretient la misère, et parvient à l’autosuffisance alimentaire. Il lance un programme de reforestation, soutient la condition féminine, refuse de reprendre à son compte la dette néocoloniale et prône une coopération panafricaine. Plus symboliquement, il troque le terme « Haute-Volta », une création coloniale, contre celui de « Burkina Faso », le « pays des hommes intègres ». Il impose à ses ministres de se déplacer en Renault 5, limite leurs rémunérations et condamne la corruption. Si son ascétisme plait aux plus pauvres, il lui aliène progressivement les cadres de l’armée et de l’administration. Son pouvoir se durcit. Tels les héros des tragédies classiques, il sera trahi et assassiné par son meilleur ami.
Pat Masioni a été contraint de fuir le Congo-Kinshasa. Co-auteur, entre autres, de Rwanda 1994, il fut le premier dessinateur de bande dessinée africain publié aux États-Unis, chez DC Comics et Dark Horse. Son trait réaliste, ses beaux visages et ses couleurs chaudes sont très agréables à lire. S’il récrée un Burkina Faso des années 1980 parfaitement crédible, il consacre ses plus belles pages à Sankara, à ses derniers discours, puis à ses derniers gestes.
Le capitaine Sankara était un homme juste, visionnaire et, au final, trahi. Il a rejoint les rangs des icônes révolutionnaires, Che Guevara et Rosa Luxembourg, Patrice Lumumba et Robespierre…
Stéphane de Boysson