Et une de plus pour El Vidocq. Après les séries O-Rama dédiées, au strip, à l’exotica ou au bangaloo, le Dj bordelais revient avec une nouvelle compilation consacrée cette fois à la French Beat des années 60.
Les seize artistes compilés sur Le Flash Boum Beat ont bien des points communs. La majorité use du français dans le texte et sacralise les orgues Hammond et les cuivres sur des tempos assez relevés. Comme souvent sur ce genre de compilation, le meilleur côtoie le bon qui côtoie l’anecdotique. La destinée fut souvent brève pour ces artistes, même si certains ont persisté dans la chanson ou la variété française. On peut donc les classer en deux catégories. Ceux influencés par la british beat et ceux et celles à caser parmi les fantaisistes. Et puis il y’a les malins qui bottent en touche et choisissent les instrumentaux. Comme Claude Bolling et Son Orchestre qui dégaine un rythme péchu et laisse la part belle à une orchestration dense et efficace. Marimba, cuivres et orgue mène la danse effrénée, mortelle pour les rotules. Son Snap Party date de 1964 et percute comme savait le faire les big bands de l’époque. Spécialiste dans le jazz hybride, Bolling est aussi réputé comme producteur yéyé et signera quelques bandes originales de films comme Borsalino. Plus mambo mais avec un orgue qui vrille sensuellement, Bahamas 70m/m (1967) de Christian Gauber est un classique de l’autoroute du soleil qui garde une vivacité incroyable. Quant aux Sharks et leur Méfie-toi du H Bourril (1967), ils lâchent une guitare bien fuzzy se dépêtrer avec un d’orgue Hammond et une batterie qui claque. Ce titre instrumental super efficace aurait pu, sans rougir, se trouver sur une compilation Exclusive Blend du label londonien Blow Up. Mathias Camison, l’un des musiciens, fera carrière comme arrangeur pour Serge Lama ou Johnny H.
Décédé en 1971 à l’âge de 38 ans, Jean-Paul Mauric avait tout pour réussir. Auréolé du Grand prix de l’Eurovision en 1961, il envoie un Flash (1967) en tout impunité, maniant le français avec classe et détachement. Le titre assez jerk dans la forme gagne ses galons de killer-track à coup d’arrangements bien sentis. Tout comme les belges spécialistes de l’orgue Hammond Trio Brasseur qui propulse leur Glip-Glap (1963) avec un certain sens de l’humour dans la sphère twist. Les marseillais Les Gardians connaissaient-ils The Remains ? On pourrait le croire tant la composition marquée par les chœurs et un solo de guitare à peine saturé est proche de celle des anglais. Et Qu’Est-Ce Que Tu Crois (1965) remporte sans coup frémir l’adhésion des modernistes. Ils assurent la première partie des Rolling Stones à l’Olympia avant qu’un tragique accident de voiture coupe leur trajectoire en 1965. Plus sauvage, le niçois José Salcy enregistre Je Bois Trop en 1966 et laisse les guitares psychés mener la barque. La voix est désabusée et le piano marque le tempo comme on le faisait rarement à l’époque. Il fera carrière à Paris jusqu’à la fin des années 80 dans un registre plus variété. Les Vénètes martyrisent les guitares comme The Godz et le Eighteen Miles High de The Byrds.
Tout Est Simple est sorti la même année que ces derniers, en 1966 donc et aurait pu se trouver sur la compilation néo-sixties française Snapshot (1983). Le cadre de la chanson, son chant et les arrangements placent le groupe originaire de Vannes parmi les puristes du style garage-gentil à la française. Trois 45t au compteur chez Pathé Marconi et puis s’en vont. Les Mystics n’avaient pas peur de clamer Mon Père Est Millionnaire (1967) avec une morgue qui ne passerait plus aujourd’hui. Les québécois sonnent comme un garage band américain de seconde division avec ses chœurs en cascade, sa rythmique implacable et son solo primitif de guitare. Ils ne sortent qu’un seul 45t en trois ans d’existence. Plus classique, Thierry Vincent flirte avec le yéyé et le rock avec Dis-Moi Pourquoi Tu Refuses (1964). Sans doute les relents de son ancien groupe Les Pingouins qui le pousseront vers une carrière solo jusqu’à la fin des années 60. Avec son beat marqué, On Court (1968) de Cleo propose une Northern soul à la française à base de cuivres sympathiques mais sans la vélocité vocale. La femme de Herbert Leonard poursuivra sa voie jusqu’à la fin des sixties.
Plus anecdotique bien que bien foutu musicalement, Tao-By connaitra un destin lié à la discothèque familiale en Corse, Gaston pastiche Nino Ferrer avec son Allo Ici Gaston (1967) et deviendra le chef d’orchestre de Claude François. Mon Homme A Les Cheveux Longs (1967) chante Annie Duparc d’une voix maîtresse mais pas dénuée d’humour. On sent la maîtrise chez cette belge qui balance le refrain calibré pour les bals sur une musique jerk convenue. Elle aura une longue carrière avec des titres qui en disent long : Tous au Bar, Pourquoi t’as d’la moustache etc. Même profil chez Gilles et Dominique, couple à la vie comme sur scène. Leur Ça M’Est Egal (1967) sonne bien avec sa guitare cristalline, son rythme percutant enregistré au fond de la salle et sa trompette bien placée mais la composition souffre d’une interprétation comique au final pénible. Autant ces paroles étaient à la mode dans les années 50, autant elles paraissent futiles a la fin de sixties. Et ce ne sont pas Henry Genés et Jean Lefèvre qui diront le contraire en interprétant Les Minets à la Plage (1968). Composé par Luis Rego et G.Pirault, le titre se moque avec perfidie du Drugstore de Paris, de Régine et du Papagayo de Saint-Tropez. A l’image de cette époque où les tacles étaient autorisés, voir encouragés.
Mathieu Marmillot