Tous ceux qui ont un cœur qui n’est pas de pierre et ne repose pas au fond de la Seine ont vibré hier soir au son de la voix magique du crooner suédois Jay-Jay Johanson, qui passait à l’Elysée Montmartre…
« My heart must be made of stone, now it’s lying on the bottom of the Seine » (Mon cœur doit être en pierre, maintenant il repose au fond de la Seine) : avec Seine comme premier titre de son nouvel album, Fetish, paru en mars dernier (une chanson magnifique, qui plus est, mise en exergue et remixée sur le nouvel EP sorti en septembre…), il était inconcevable que l’ami Jay Jay – l’éternel crooner suédois conjuguant comme personne la chanson jazz et la forme trip hop – ne revienne pas très vite nous rendre visite à Paris. Curieusement, c’est l’Elysée Montmartre qui l’accueille cette fois, une salle qui semble bien grande – et bien froide aussi – pour lui, sans même parler du fait qu’elle n’offre pas le confort de fauteuils à un public – pas très jeune (doux euphémisme, pour le coup…) qui préférerait sans doute s’y lover confortablement. Bon, il y a quand même une belle queue qui s’est fermée en remontant la rue de Steinkerque à l’ouverture des portes à 19h…
19h30 : Henriette (ou même Agathe Henriette, apparemment, puisque Henriette est le nom de scène d’Agathe Deburetel, jusque-là plutôt repérée comme scénographe et artiste de « performances ») est une jeune chanteuse française qui vient de sortir son premier EP. Elle chante dans une quasi-obscurité qui accentue l’intimisme de sa musique, mais elle est placée au centre d’un étrange trapèze formé par quatre grosses pépites d’or (fausses, on imagine) et porte un gant d’or à la main gauche, ce qui renvoie clairement à ses origines artistiques. Vêtue de noir, elle chante d’une voix pas encore très assurée des morceaux électro, éthérés, sur une orchestration pré-enregistrée. Les textes sont assez abstraits, et elle est drôle et émouvante quand il faut. Elle offre une chanson d’amour à la femme qu’elle aime et reprend un titre de Christophe (Succès fou, qui sonne évidemment différemment chanté par une femme…) . Sa communication avec le public témoigne d’une vraie maîtrise de la relation avec lui, et d’une volonté de nous entraîner à sa suite dans son monde un tantinet précieux. Il est difficile de savoir quoi penser de ces 30 minutes intrigantes mais pas réellement convaincantes.
20h30 : Pas plus de lumières sur scène malheureusement pour Jay-Jay Johanson, tout de noir vêtu lui aussi (en dehors de ses grosses baskets), ce qui fait ressortir sa chevelure blanche bien connue. Les spots sont braqués directement dans nos yeux, ce qui le rendra souvent difficilement visible, tandis que la qualité du son ne sera pas optimale, avec une basse parfois envahissante. Tout cela est évidemment un peu dommage, mais n’empêchera finalement nullement la « magie Jay-Jay » d’agir, comme à chaque fois a-t-on envie d’ajouter…
Avec lui, Jay-Jay a amené son habituel complice Erik Jansson aux claviers, ainsi qu’un bassiste et un batteur qui confèrent au son une qualité plus organique, même si l’électronique reste présente, bien entendu. La voix, souvent presque féminine, de Jay-Jay reste parfaite, intacte en dépit des années qui passent, et constitue évidemment le principal attrait de ses performances live : Jay-Jay lui-même est très retenu pendant qu’il chante, les mains posées sur on micro et dissimulant la plupart du temps son visage, mais il n’est pas non plus avare de démonstrations d’amitiés envers son public, entre les chansons, ainsi qu’envers Erik (les deux autres musiciens apparaissent plus des comme des pièces rapportées au show, pour le coup…).
Surprise, la setlist contient finalement seulement deux titres de Fetish, les deux meilleurs, Seine et l’extraordinaire Finally (bon, c’est un morceau de Brahms… et puis l’on ressent, évidemment, l’absence de l’orchestre qui illumine la version studio). On est plutôt dans un esprit « best of », avec un maximum de chansons bien aimées du public, dont sont offertes des versions parfaites, et souvent émotionnellement fortes : comment ne pas aimer des bijoux – souvent extraits des premiers albums – comme The Girl I Love Is Gone, She’s Mine But I’m Not Her, Quel Dommage ou Believe In Us ? Le sommet de la splendeur fut probablement atteint en ouverture du rappel, avec une interprétation a capella de Whispering Words.
Après, il faut évidemment accepter que l’ambiance d’un concert de Jay-Jay passe par toutes les teintes du gris ou noir, de la douce mélancolie à l’affreuse tristesse, ce qui n’est pas forcément du goût de tout le monde. Mais, comme toujours, la fantaisie pointe le bout de son nez sur la fin du set, avec un Heard Somebody Whistle et ses sifflements presque allègres, et surtout une version merveilleusement disco – avec l’aide de « our boyfriend » au chant – de On The Radio, une chanson toujours aussi irrésistible. On se quitte en échangeant de longues poignées de mains avec lui, alors que retentit sur la sono la version de My Way par Sid Vicious : Jay-Jay en a repris quelques phrases au micro, mais on aurait bien aimé qu’il révèle totalement son « côté punk » en la chantant en entier…
Une heure trente minutes de beauté avec Jay-Jay Johason, ça n’a pas de prix. Reviens-nous vite, Jay-Jay, comme tu nous l’a promis !
Photos et texte : Eric Debarnot
En fait Magnus Frykberg, le batteur, est de toutes les tournées de JJJ (et de beaucoup d’albums aussi me semble-t-il) depuis plus de 20 ans. ;-) C’est le quatrième homme qui change régulièrement en revanche (basse ou contrebasse).
Merci pour l’information / la correction. Néanmoins, durant le set, Jay-Jay n’a eu aucune réelle interaction avec lui…
Ben oui, forcément.
Une merveille, cet artiste.
Jay Jay Johanson était déjà passé à l’Elysée Monmarte en 2000. C’est peut-être la raison qui l’a fait choisir cette salle ? Je l’ai vu le 12 octobre à Nîmes et sa voix est toujours formidable malgré une emprise de l’alcool qui semble importante.
Ah bon ? L’autre soir, il paraissait parfaitement sobre…