[Live Report] Blood Red Shoes et CIEL au Point Ephémère (Paris) : la chaleur d’octobre…

La tournée européenne – enfin ! – triomphale de Blood Red Shoes passait hier soir par Paris et le Point Ephémère. L’intensité était au rendez-vous en dépit d’un son qui aurait pu être plus fort, et d’un niveau de température excessif dans la salle…

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Blood Red Shoes au Point Ephémère – Photo : Robert Gil

Nous avons encore à l’esprit le concert coup de poing donné par Blood Red Shoes en juillet 2022 à la Maroquinerie, et il n’est pas question de refuser un « bis repetita » quand nous apprenons que le duo de Brighton nous offre déjà une nouvelle occasion d’apprécier leur rock bruyant et mélodique, au Point Ephémère cette fois. Et nous ne sommes pas les seuls, puisque le concert est sold out, comme d’ailleurs la quasi-totalité des dates de leur tournée européenne. La reconnaissance publique, enfin, près de vingt ans après leurs débuts ?

2023 10 07 Ciel Point Ephémère RG20h35 : Ils sont basés à Brighton eux aussi, ils sont trois et ils s’appellent CIEL (… même si aucun d’eux n’est français !). Avec une guitare très fluide, très complexe (Jorge, espagnol…), un batteur terrible (Tim, de Brighton, lui) et une chanteuse frêle et un peu réservée, mais charismatique, qui joue de la basse, même si elle jouait auparavant de la guitare quand le groupe était un quatuor (Michelle, néerlandaise…), mais surtout des chansons racées. Ils sont un peu des protégés de Blood Red Shoes : Steven Ansell a produit leurs deux derniers EPs, et il nous semble bien, même si c’est à confirmer, que Jorge a accompagné Blood Red Shoes sur scène. Ils nous offrent un set tendu, élégant, dans un genre finalement plutôt indéfinissable. On les catalogue généralement comme shoegaze, ce n’est pas si évident que ça ce soir, et quelques chansons évoquent un peu les Breeders, ce qui est tout sauf un reproche. Back To The Feeling est une parfaite introduction à l’univers du groupe, immédiatement évident et accrocheur, avec un sens certain de l’impact sur le public, tout en restant dans la légèreté. Somebody témoigne d’une énergie et d’une gaîté pop réjouissantes. Make It Better assemble des instants de chaos sans concession et des parenthèses quasi dream pop… 35 minutes impeccables, une très belle découverte. Ils nous annoncent qu’ils reviendront jouer à Paris au Supersonic en février : rendez-vous est pris.

2023 10 07 Blood Red Shoes Point Ephémère RG21h35 : c’est dans leur véritable format, en duo, sans musiciens supplémentaires, que nous pourrons apprécier Blood Red Shoes ce soir : il y a de quoi être ravi car c’est ainsi qu’ils sont les meilleurs. Qui plus est, même si ce n’est pas toujours le cas au Point Ephémère, il y a ce soir un bon éclairage qui permet les photos, et un son de qualité – nettement moins fort qu’à la Maroquinerie l’année dernière, toutefois -, même si, comme souvent, les voix sont moins audibles quand on est devant.

Les quatre premiers morceaux lancent le set tout en puissance, ils sont extraits des deux premiers albums du groupe, qui restent les meilleurs (Doesn’t Matter Much, Don’t Ask et It’s Getting Boring By The Sea…) : un démarrage énergique, mais qui peut faire craindre une retombée à un certain moment… Heureusement, il n’en sera rien, et l’heure dix de set n’aura pas de ventre mou. Cold, magnifique, est porté par un public enthousiaste – mais relativement calme : pas de pogos dans la fosse, à la différence de la Maro l’année dernière. Steven frappe toujours comme un forcené, et chante toujours comme un ange, et Laura-Mary a gagné au fil des années une assurance qui en fait aujourd’hui une guitariste particulièrement spectaculaire…

2023 10 07 Blood Red Shoes Point Ephémère RGMais la chaleur monte dans la salle comble, un problème malheureusement habituel en France dans nos salles de concerts non climatisées. Laura-Mary se plaint que ce soir soit le plus étouffant de toute la tournée ! Steven fait baisser, voire éteindre les lumières qui sont face à lui, et le reste du set se déroulera dans une semi-obscurité, tant pis pour les photos-souvenirs ! Et puis, on réalise que le son n’est pas tout à fait assez fort (comme c’était, nous a-t-on dit, le cas au 106 de Rouen deux jours avant)… Laura-Mary change alors de guitare et adopte un son quasiment métal qui compense un peu les décibels : les slammers se déchaînent, même si le public reste relativement calme. Nouveau changement de guitare et cette fois, Laura-Mary nous abreuve d’un son « psyché » du plus bel effet (An Animal, du côté de la scène garage US…). On en revient pour finir au style indie-rock noisy d’origine du duo, avec l’incontournable I Wish I Was Someone Better, dont tout le monde reprend en chœur la conclusion : « What should I do? What should I do? / When I’m the one, hey, I’m the one to blame. »

Le set se clôt sur le single God Complex, qui voit nos deux héros rejoints par le trio de CIEL pour un final ample… mais peut être trop… classique, pas assez extrémiste. Même chose pour le rappel de deux titres : Elijah et Morbid Fascination avec leurs sonorités electro, sans qu’on retrouve la force du début. Effet de la chaleur qui a accablé tout le monde ou bien d’un mauvais choix de la setlist qui aurait dû finir là où elle avait commencé ?

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On se quitte néanmoins heureux au bout de soixante-dix minutes de pilonnage intensif et de refrains fédérateurs : Blood Red Shoes ont réussi à étendre leur musique au-delà de leur indie rock d’origine, mais restent, en dépit des années qui passent, le même duo juvénile et passionné de leurs débuts. Ce qui est une sorte de petit miracle.

Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil

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