Une petite ville du Missouri, un shérif corrompu, un dangereux trafiquant de drogue et sa fille totalement ingérable, deux petites frappes aussi bêtes que méchantes… Bienvenue à Hamilton, théâtre de ce rural noir violent et déjanté.
Depuis quelques années, le genre du rural noir s’est imposé dans nos librairies et sur nos écrans. Toutes les collections de polars nous proposent désormais ces romans dont l’action s’est déplacée de la ville – théâtre originel du roman noir – vers ces vastes régions encore en partie sauvages. Les Ozarks, les Appalaches ou le Texas ont supplanté New York, Los Angeles ou San Francisco. En réalité, le rural noir n’a rien de récent et sans doute faut-il remonter jusqu’à Faulkner ou Caldwell pour en trouver les origines.
Quoi qu’il en soit, c’est dans cette veine qu’il faut situer le nouveau roman de Jedidiah Ayres, Les Affreux. Dès les premières pages du roman, on retrouve tous les codes du genre : la petite bourgade gangrenée par le chômage et les trafics, les cabanes reculées en pleine forêt et transformées en labo de méthamphétamine… Ayres nous propose surtout une galerie de personnages qui semblent construits sur les stéréotypes du genre : le flic ripou, le trafiquant de drogue proxénète, les voyous minables et le procureur qui débarque au milieu de tout ce petit monde comme un chien dans un jeu de quilles… Le romancier force le trait, exagère la violence d’un tel, la bêtise d’un autre et on comprend vite qu’il s’amuse beaucoup de ce matériau aussi grotesque qu’effrayant. Et ça fonctionne !
Les Affreux est un polar qui se dévore en souriant, tant on s’amuse avec Jedidiah Ayres des malheurs et des coups durs qui s’abattent sur ces personnages peu aimables et infréquentables. L’écrivain maîtrise pleinement le rythme d’un récit mené tambour battant mais qui, sans l’humour noir et déjanté qui le traverse, n’aurait pas eu la même saveur. En effet l’histoire que Jedidiah Ayres nous raconte dans ce roman, on l’a déjà plus ou moins lue. Mais ce qui séduit dans Les Affreux – en plus des personnages truculents qui s’affrontent ici –, c’est bel et bien le ton avec lequel l’auteur narre leurs aventures. Impossible de ne pas sourire à la lecture des rebondissements improbables de cette histoire ou de ne pas pouffer de rire en découvrant les décisions totalement stupides prises par tel ou tel protagoniste.
Présenté comme un amateur de Sam Peckinpah, Jedidiah Ayres s’inscrit plutôt dans la lignée de ces romanciers qui se sont amusés à écrire du noir en y injectant une bonne dose de grotesque et d’humour. On pense au Charles Williams de Fantasia chez les ploucs, au Daniel Woodrell de Faites-nous la bise ou au Joe R. Lansdale de la série Hap et Leonard. Un pur régal, donc.
Grégory Seyer