Responsables d’un album passionnant sorti en septembre, Milksick, les Londoniens de YOWL étaient au Supersonic samedi soir, pour un autre concert à ne pas manquer quand on est avide de découvertes musicales.
Aujourd’hui, le Supersonic n’affiche pas à 20 h son taux de remplissage habituel d’un samedi soir : on ne s’en plaindra pas, l’accès à la scène est facile, et on peut espérer la présence de moins de gros lourds qu’il n’est malheureusement de coutume (Bon, pas de suspense, cet espoir sera déçu !).
20h30 : il faut bien reconnaître que toutes les soirées au Supersonic ne commencent pas forcément formidablement, mais ce soir, Lisatyd justifient qu’on soit venu tôt pour les écouter. Qualifié de grunge sur l’affiche, répertorié sur Musicbrainz comme groupe de « rock lourd », ce qui nous va bien (le t-shirt de A Place to Bury Strangers porté par le chanteur nous fait forcément plaisir…), le quatuor parisien propose un rock aussi puissant que mélodique, assez convaincant… instrumentalement. Une batteuse à la frappe primitive mais puissante propulse la musique sans répit, et basse et guitare rythmique construisent un mur sonore qui impressionne régulièrement. Seul regret (malheureusement fréquent), la faiblesse du chant : c’est quand la voix de la batteuse rejoint celle du chanteur que ça passe le mieux, il y a quelque chose à creuser, là. C’est la qualité des compositions qui, au final, fait la différence : variété des tempos, efficacité de certaines mélodies, on passe d’excellentes 40 minutes en la compagnie de Lisatyd. Ils viennent de sortir leur premier EP, il convient de s’y intéresser…
21h30 : on traverse la Manche avec Flat Party. Le seul t-shirt visible sur scène célèbre les Pogues, sans qu’il y ait un rapport avec la musique de ce groupe qui ne semble avoir que trois singles à son actif pour le moment. Étiquetés post punk pour être dans le courant actuel, ils proposent en fait une brit pop mélodique, émotionnelle, qui ne s’énervera que par instants : disons entre Suede et Razorlight – sans le swing soul de ces derniers. C’est évidemment le look élégant du chanteur, mignon et très anglais, à la forte présence scénique, qui évoque ces noms particuliers, mais également la prépondérance des tempos moyens, heureusement assortis de jolies dissonances et ruptures de rythme. Il reste qu’on aime bien leur bassiste énervé, et de manière générale on préfère quand ils laissent déborder plus généreusement leur énergie, comme sur le titre final, le single I’m Bored, Give Me Love. Flat Party sont l’un de ces groupes à la musique relativement peu évidente, qu’il vaut probablement mieux avoir écouté avant de les voir en live. En tous cas, ils ont promis de revenir après ce set, qui aura été non seulement leur premier à Paris, mais en fait leur premier en dehors du Royaume-Uni (« A shitty place ! », disent-ils…). 35 minutes pas toujours très convaincantes, mais souvenons-nous que nous avons affaire à un groupe encore largement débutant.
22h30 : YOWL, enfin ! YOWL, c’est donc un quintette – avec deux guitares pour une bonne puissance de feu, et un chanteur muni, et ce n’est pas si courant, de deux micros qui lui permettent de changer la sonorité de sa voix au cours du même morceau. Et oui, ils viennent aussi du Royaume-Uni, mais on les imagine plus, en fait, faisant partie de la scène Indie US, voire même spécifiquement de Brooklyn. Il y a dans leur musique quelque chose de Pavement et de Parquet Courts… qui ne sont pas les pires références !
Par rapport à ce qui a précédé, on est clairement à un niveau de maîtrise supérieur, et les 45 minutes de leur set seront impeccables à tout point de vue, tant par la construction de la setlist alternant les styles (comme sur le nouvel album auquel la setlist est largement consacrée), et aménageant d’irrésistibles accélérations au milieu de plages plus dansantes (comme l’excellent The Machine), voire légèrement expérimentales (Donkey’s Jawbone, son quasi-spoken voice, explosant régulièrement, et ses « ah ah ah »…). Sur la fin, à partir de Weedkiller, l’intensité monte nettement d’un cran, et on regrettera qu’ils aient choisi d’écourter leur set d’une chanson, et pas n’importe laquelle : le folky et très beau A Birthday With David, alors qu’une guitare acoustique avait été visiblement préparée à cet effet. On notera aussi que YOWL ne se seront pas montrés particulièrement communicatifs – alors qu’il y avait clairement devant la scène des fans familiers de leur musique (et pas seulement la poignée habituelle d’imbéciles qui n’étaient là que pour bousculer tout le monde…), ce qui est toujours dommage…
Une prestation un peu en deçà de ce qu’on espérait à l’écoute de Milksick, mais qui n’empêchera pas qu’on les revoie lors d’un prochain passage à Paris.
Texte et photos : Eric Debarnot