Avis aux amateurs de punk saignant et de hard rock à bière : Ne ratez surtout pas The Baboon Show sur scène dans nos contrées durant les prochains jours. Si le nom vous est inconnu, il est encore temps de rattraper leur dernier opus, sorti en tout début d’année.
Vous aimez porter du cuir et des clous ? Votre sport de choix est le pogo ? Vous estimez que la pertinence des vieilles guéguerres entre punk et métal est inversement proportionnelle à la valeur du houblon dans les échanges entre individus dignes de confiance ? Vous en avez ras la casquette des critiques rock qui s’évertuent à vous refourguer l’Evangile selon Thom Yorke, et sortent des qualificatifs téléphonés pour s’extasier sur le son d’une réverbération ? Jetez donc une ou deux oreilles au nouvel album de The Baboon Show, qui perpétue le savoir-faire d’un rock teigneux dopé au punk dans la plus pure tradition scandinave. God Bless You All est leur première livraison depuis 2018, mais déjà leur dixième en à peine vingt ans d’existence.
Parmi les combos du moment, on ne verrait guère qu’Amyl and The Sniffers pour rivaliser à armes égales avec The Baboon Show. Au chant, Cecilia Boström est dotée d’un phrasé aussi abrasif que celui de son compatriote Jocke Berg (Hardcore Superstar). Cette coureuse de marathon (PB de trois heures quarante, quand même), maman de deux garçons et révolutionnaire convaincue, est typiquement le genre de personnalité charismatique qu’on adore voir tenir le micro sur scène. Håkan Sörle est un guitariste malin, dont la concision mélodique atteste d’un goût très sûr, doublé d’une écriture diaboliquement efficace. Également chanteur sur quelques titres, il abat à lui seul un boulot pour lequel beaucoup de formations ont tendance à employer deux musiciens. Frida Stahl et Niclas Svensson, respectivement à la basse et aux fûts, forment une section rythmique explosive, capable de bétonner la plupart des sous-genres les plus rustiques. Et les chansons, dans tout ça ? C’est peut-être le plus intéressant, justement. En 2018, Radio Rebelde chiffrait déjà très haut sur le patatomètre, même si sa production spartiate n’en faisait pas franchement un monument de sophistication. Cinq ans plus tard, God Bless You All se donne les moyens de ses envies. C’est bien simple, ce nouvel album est la parfaite incarnation de la bonne vieille maxime « all killer, no filler ». Pas de chansons médiocres, pas de solos à rallonge ni la queue d’une bluette à l’horizon. L’ordre du jour est celui d’un gros rock qui cavale en gueulant, comme King Kong attelé à un tank par le scrotum.
Dès Made Up My Mind, tout est en place. Un énorme riff hirsute, une section rythmique avide d’en découdre et Cecilia qui braille avec ferveur. La chanson éponyme est un single ravageur, taillé pour la foule et les toasts de masse. Aucun temps mort à relever. Le refrain est tubesque et les mélodies entrent dans le cerveau comme un fer à souder dans une motte de beurre au soleil. Midnight est une grosse taloche de hard rock hérissé, où Cecilia vocalise en lionne monomane et dont les riffs claquent comme autant de coups de pieds retournés. Gold commence au piano comme la menace d’une ballade, mais bascule vers un grand refrain fédérateur dans les règles de l’art démocratisé par Hanoi Rocks. Avec ses riffs bluesy et ses accords bien crados, Oddball est peut-être la composition la moins singulière du lot, mais demeure hautement savoureuse, ce qui donne une idée de la teneur de l’ensemble. Si vous aimez les watts chauffés à blanc, il y a vraiment très peu de chances que vous puissiez vous ennuyer un seul instant.
Rolling rue dans les brancards en une charge frontale qui bourrine comme AC/DC avec toute la ruse accrocheuse de Cheap Trick. Dans un registre plus mélodique, Reason To Go On aurait facilement pu figurer sur Radio Rebelde. Éclaircissez un peu les guitares, vous obtenez un tube pour Pat Benatar. À l’inverse, en ajoutant des gros riffs, vous arriverez non loin des terres de Ronnie James Dio. Groundhog Day est une ode au week-end et à l’éclate après le boulot, quand les bagnoles prennent la route de la fête la plus proche où la binouze coule à flots. Et d’ailleurs, puisqu’on parle fluides, Have A Party With Me invite à en consommer sans modération, tout en tapant du pied et en secouant la tête sur des décibels en furie. Oh ??? Une petite intro en guitare clean ? Serait-ce une ballade ?? Que nenni. Sands Of Time crame les amplis dès la quinzième seconde et persévère dans le punk à plein régime sans jamais laisser retomber la pression. Cette cadence bombastique est ensuite maintenue sur Revolution Avenue, dont les riffs garage punk n’auraient pas dépareillé sur un album des Hellacopters. God Bless You All se conclut finalement avec Prisoners, sa seule chanson apaisée, même si le groove au piano et les mélodies débraillées sont plus proches d’un chœur de galériens que d’une quelconque sérénade radiophonique. Håkan assure le chant dans un registre de boucanier mélancolique particulièrement seyant.
J’avais déjà formulé cet argument lors de ma critique du dernier Rival Sons, mais l’existence d’un groupe de rock n roll « à l’ancienne » en 2023 dépend le plus souvent de sa capacité à s’imposer comme une force de la nature, en prouvant sa force de frappe par des chansons marquantes. The Baboon Show cochent les cases sans même donner l’impression de transpirer. On conseillera ardemment God Bless You All à tous les amateurs de disques conçus pour être écoutés à un volume qui se partage automatiquement avec tout le voisinage. Nous avons là un quasi-sans faute de rock à grande gueule, dont l’énergie pétaradante ferait passer le commun du mainstream pour l’enregistrement d’un oral du bac. Si la promesse de sensations fortes titille votre système nerveux, ne perdez pas une seconde de plus. The Baboon Show sont programmés dans notre hexagone ce 18, 19, 20 et 21 octobre, incluant une date au Bataclan et une autre à Nantes, au Ferrailleur. Un nom de salle qui leur sied comme un gantelet, justement.
Mattias Frances