On pouvait attendre beaucoup, et en particulier un renouvellement des thèmes habituels de l’horreur et de la fantasy avec ce The Changeling, mais la série s’embourbe à mi-parcours dans un dédale de situations confuses et de propos embrouillés qui égarent définitivement le téléspectateur, jusqu’à un épisode final grotesque.
Apollo a le nom d’un Dieu, et il se sent d’autant plus fort… ce qui ne l’empêche pas d’être resté profondément traumatisé par un événement de son enfance, alors que sa mère avait dû le laisser seul à la maison pour aller travailler. Mais Apollo rencontre Emma, et c’est le coup de foudre, le début d’une merveilleuse histoire d’amour, d’autant qu’Emme se retrouve vite enceinte. Malheureusement, Emma a croisé, lors d’un voyage d’études au Brésil, une sorcière dont le « charme » va faire basculer la jeune femme dans la folie. Pour Apollo, commence un périple dantesque à travers des croyances et des malédictions ancestrales…
The Changeling est l’adaptation en série télévisée d’un roman d’horreur et de fantasy (le Changelin en français), écrit par Victor LaValle, qui a été particulièrement remarqué à sa parution en 2017 et a reçu plusieurs prix prestigieux. L’écrivain fait d’ailleurs clairement partie du projet de la scénariste et showrunneuse Kelly Marcel, puisqu’il assure la voix off, principalement en introduction de chacun des 8 épisodes. Le projet est en soi séduisant, promettant d’apporter au genre horrifique un « sang neuf », loin des poncifs habituels bien épuisés par des décennies de mauvais cinéma : il s’agit ici de rechercher une sorte de mythologie universelle, depuis la religion romaine jusqu’aux sorcières de Nouvelle-Angleterre, en passant par les dieux scandinaves et le candomblé brésilien. Et de représenter, ce qui est bien dans l’air du temps, la résistance de la Femme dont la puissance mystique et les talents surnaturels sont niés ou condamnés par la domination masculine. Non sans ajouter, par dessus tout ça, une réflexion sur la maternité / la paternité, et, inévitablement, le péril des réseaux sociaux. Tout un programme, donc.
Et un programme qui se révèle peu à peu trop ambitieux, non par rapport aux moyens mis en œuvre puisque, comme toujours chez Apple TV+, on ne lésine pas ici sur la qualité des effets spéciaux, de la mise en scène, de l’image, etc., mais probablement par rapport au talent de Kelly Marcel et de son équipe. Le fait que le nom de Kelly Marcel ait été associé jusque là à des désastres aussi retentissants que Venom et Cinquante Nuances de Grey ne nous laissait de toute manière guère optimistes… et il faut bien reconnaître que, passés les trois premiers épisodes très prenants, qui culminent par une scène d’une violence éprouvante, la série s’enfonce ensuite dans un gloubi-boulga indigeste, qui devient se plus en plus incompréhensible.
Le choix des scénaristes d’obscurcir à plaisir même ce qui pourrait être narré clairement devient vite irritant, et le « fameux » épisode 7 (Stormy Weather), sensé révéler les secrets du passé d’Apollo et de ses parents, traité avec un maximum de sophistication et d’ambition formelle, s’apparente à une ridicule entreprise de jeu du chat et de la souris avec le pauvre téléspectateur. On sort de là bien irrité, mais c’est pour se voir infliger un dernier épisode (Battle of the Island) constitué de 30 minutes purement WTF, jusqu’à une dernière scène absurde supposée nos appâter pour une seconde saison… dont pour le coup, il est probable que tout le monde souhaitera qu’elle ne soit jamais produite.
Tout cela est bien dommage pour les acteurs qui font de leur mieux : LaKeith Stanfield (Appolo), jusque là plutôt cantonné à des seconds rôles, est régulièrement très touchant, Clark Bako est formidablement charismatique dans le rôle d’Emma, et les fans de rock apprécieront de voir à l’écran l’incroyable Samuel T. Herring, frontman de Future Islands, et tout aussi hystérique et emporté à l’écran que sur scène.
Eric Debarnot