The Vacant Lots a sans aucun doute réalisé son meilleur album. Enfin, 8 morceaux de même niveau, pour un groupe qui nous avait plutôt habitué à des albums inégaux. Deux salles, deux ambiances, des morceaux disco-pops légers et des morceaux synth-rock glauques, seulement 30 minutes, mais que du bon. Inespéré.
The Vacant Lots est un de ces groupes capables de faire vivre le passé, d’actualiser la tradition avec un talent, un brio et un certain aplomb quand même. Écouter leurs albums vous fait faire un bond dans le passé (même si c’est une version du passé largement modernisée). On pourrait (et nous le ferons) multiplier les références tant le groupe sait y faire pour utiliser des guitares acérées genre 80s, composer des mélodies lancinantes chantées par des voix caverneuses, fabriquer des rythmes à la fois ronds et syncopés… Il faut avoir du cran. Peut-être que c’est d’avoir été adoubé par le regretté Alan Vega, par Sonic Boom (Spacemen 3 et EAR), d’avoir été invité au at Austin Psych Fest dès 2010 (avant même d’avoir sorti un album ou un single) et de nouveau en 2012, d’avoir tourné avec Dean Wareham (Galaxie 500, Luna, Dean & Britta) qui leur a donné cette confiance. Et leur premier album (Departure, 2014) commençait sur les chapeaux de roues, avec une bombe de premier morceau, Mad Mary Jones, franchement excellentissime : voix caverneuses et lancinantes, guitares omniprésentes, batterie frénétique, avant malheureusement de sombrer dans le plutôt quelconque pour ne pas dire le presqu’oubliable.
Par la suite, The Vacant Lots nous avait gratifié d’albums qui marquaient une évolution vers une musique plus électronique, plus dansante, quelque fois plus légères. Mais qui étaient très malheureusement inégaux. Encore de la déception. Et puis est arrivé Closure (2022), leur 4ᵉ album, assez largement et justement acclamé. Le groupe semblait s’installer dans une musique bien à eux, même si ancrée dans ce passé mentionné plus haut. Des morceaux moins quelconques, des mélodies plus affirmées, sombre, certes, mais des éclaires dance, un côté Pet Shop Boys surprenant et très bon (Eyes Closed ou Chase). Et d’autres morceaux franchement très bons, comme Thank You ou Obsession, rythmés, dynamiques, paroles entre l’ironique et le déprimé (« Thank you for wasting my time, thank you for fucking all my life… »). Le signe que le meilleur était à venir, que le vent tournait ? Oui ! Car vient d’arriver Intériors, qui est carrément fameux. Meilleur que le meilleur de Closure. Il n’y a rien à redire, tous les morceaux sont excellents ! Enfin, le groupe réalise pleinement les promesses entrevues dans le passé !
Et, comme c’est l’habitude avec Jared Artaud and Brian MacFadyen, l’album commence au sommet. Amnesia est parfait. Une ambiance 1980s en diable, certes, mais largement équivalent à ce que les grands frères du duo – Joy Division, New Order, A Certain Ratio – ont fait. Rythme lent, lancinant, batterie métronomique, voix blanche et distante (qu’on retrouve tout au long de l’album), une guitare façon clavecin, mais qui sature vite l’espace sonore. Hypnotique.
Paradise continue dans ce ton Pet Shop Boys ou New Order ou peut-être même Electronic que le groupe arrive si bien à reprendre, un morceau lent, avec une rythmique ronde, avec des nappes de synthé aériennes qui contrastent avec la voix, encore très sombre. Même ambiance avec Ashes, Destruction, ou Scars et Endgame. Même si Endgame est un plus grimaçant, grinçant, et moins dansant. C’est la deuxième face du groupe, les mêmes racines, les mêmes références, mais plus rythmés, plus grinçants encore, avec des guitares vraiment acérées qui rendent l’atmosphère plus lourde. Les rythmiques – sur Evacuation, par exemple – lorgnent fortement vers New Order, voire carrément vers Joy Division. De fait, l’album navigue (hésite) entre deux ambiances, une disco-pop éthérée, aérienne et quasiment organique, et du post-punk noir et métallique, grimaçant et désespéré. Entre soirée sur le dancefloor et journée sur une chaîne de montage en usine…
Alain Marciano