On peut ajouter à un film de « slasher » une bonne dose d’intelligence, mais – dans le cas de Séminaire au moins – ça n’en fera pas un chef d’œuvre pour autant.
On imagine bien que lorsque John Carpenter créa Halloween en 1978, il n’imaginait pas à quelle abominable descendance sa créature monstrueuse allait donner naissance, mais il faut bien avouer que cinquante ans plus tard, la dernière chose que quiconque d’un tant soit peu sain d’esprit ait envie de regarder, c’est un nouveau film de « slasher ». Que Netflix ait mis en ligne sa dernière production, Séminaire, un vendredi 13, histoire de bien mettre les points sur les « i » quant à la source d’inspiration du film, est évidemment plus effrayant que ne le sera le film lui-même. Mais, s’agissant d’une production suédoise, louchant a priori, et plus qu’un peu, vers les atmosphères décalées et presque abstraites des films du très à la mode Ruben Östlund, pourquoi ne pas y jeter un coup d’œil ?
Séminaire confronte les participants à un… séminaire, justement, sensé augmenter la motivation et l’esprit de corps au sein d’une équipe dysfonctionnelle d’employés de mairie, à un serial killer portant un masque ridicule et donc effrayant. Isolement du groupe au sein d’une campagne perdue, grise et hostile, conflits entre les individus – pas tous très finauds – qui les empêche de s’allier pour résister au tueur, et beaucoup de morts les plus atroces possibles : les codes du genre sont respectés, et certains spectateurs prendront certainement plaisir – on ne les jugera pas pour ça – à voir exécuter la majorité de ces pantins antipathiques, à qui l’on souhaite rapidement de passer de vie à trépas de la manière la plus horrible possible. Là où Patrick Ecklund s’écarte clairement de la trame habituelle, c’est déjà – gros soulagement – en remplaçant les habituels teenagers tellement irritants par des adultes, et en évacuant la très habituelle composante « sexuelle » du sujet. Pour la remplacer par un discours « politique » simple, mais pas si stupide que ça : la municipalité que gèrent nos bureaucrates au petit pied vient d’exproprier – sans indemnité – des agriculteurs pour faire construire un gigantesque centre commercial sensé apporter la prospérité à la ville, mais derrière cette opération déjà plus que discutable se dissimulent des intérêts personnels des plus répugnants. Et le vrai monstre n’est, bien sûr, pas le tueur masqué.
Malheureusement, on comprend assez vite où Eklund veut en venir, et à partir de ce moment, le film n’évite pas l’ennui qui naît des scènes répétitives d’exécution sauvage de victimes apeurées. L’injection d’une bonne dose d’humour vaguement absurde – à la manière d’Östlund, si l’on veut – apporte certes une certaine « sophistication européenne » au film, mais s’avère rapidement un dérivatif assez lâche : après tout, se moquer d’à peu près tous les personnages, bons ou méchants (allez, l’héroïne dépressive, Lina, interprétée par Katia Winter, actrice suédoise vue dans Dexter et The Boys, a quand même droit à un peu d’empathie…) confère à Séminaire un second degré incompatible et avec l’horreur potentielle des meurtres, et avec la condamnation des agissements malhonnêtes du personnel de la mairie.
Bref, bien que sur le papier, le concept de Séminaire soit potentiellement plutôt malin, le film n’est guère passionnant, suivant sans en dévier son programme cynique : « tous des monstres ! ».
Eric Debarnot