Nouvelle plongée dans un Paris lointain pour Patrick Modiano, dont le narrateur se souvient d’une jeune danseuse qu’il retrouvait le soir après ses cours. Un récit nimbé de mystère et de nostalgie. Du pur Modiano.
Un nouveau roman de Patrick Modiano, c’est la certitude d’y retrouver ce qu’on attend et qu’on aime, de rencontrer des personnages mystérieux, une atmosphère pesante, des lieux plus ou moins établis, et évidemment un style littéraire inimitable. La danseuse ne fera pas exception à la règle, avec un personnage central qui rejoindra aisément les hommes et les femmes qui l’ont précédé dans les romans de Modiano antérieurs.
L’auteur de Un pedigree se met dans la peau du narrateur, qui au détour d’une rencontre impromptue dans le Paris d’aujourd’hui va se souvenir d’une femme, une danseuse qui prenait des leçons au studio Wacker, place de Clichy, après ses cours en compagnie de Boris Kniaseff, un célèbre professeur russe. Remontant le cours d’un passé lointain, plus ou moins net, le narrateur se remémore ces moments, quand il retrouvait la danseuse après ses cours, accompagné d’un petit garçon appelé Pierre, le fils de la danseuse, dont il s’occupait parfois.
Comme toujours dans les romans de Patrick Modiano, le flou domine, les personnages sont plus ou moins obscurs, certains sont même carrément louches et dangereux, les lieux, pas toujours bien définis… Même pour La danseuse, le personnage qui donne son titre au livre, il subsiste un doute : était-elle « Brune ? Non. Plutôt châtain foncé avec des yeux noirs. » Au fond, peu importe, car le plus important c’est l’atmosphère, c’est le plaisir de se plonger dans ce récit en noir et blanc aux côtés du narrateur, pour le suivre dans ses errances, à la recherche du passé, pour tenter d’y voir un peu plus clair dans ses évocations, en participant à un jeu de piste plein de secrets, pour recomposer un puzzle comme seul Patrick Modiano sait les imaginer.
La danseuse constitue une nouvelle pièce de choix dans la bibliographie du prix Nobel de littérature 2014, un roman, comme toujours, pétri de nostalgie et nimbé de mystère, duquel se dégage beaucoup de charme et de poésie. Rien de bien neuf donc, mais le plaisir reste intact, et le voyage agréable dans ce très court récit qui viendra s’ajouter à la longue et magnifique collection de livres entamée en 1968 avec La Place de l’Étoile.
Benoit RICHARD