Non dénué de qualités, L’enlèvement, le nouveau film de Marco Bellocchio présenté au Festival de Cannes en mai dernier, souffre de ne pas raconter grand chose de neuf sur l’unité nationale italienne.
Parfois, on n’accroche pas à un film sans qu’il soit pourtant dénué de qualités. Et parfois, il est impossible de trouver quoi que ce soit de raté dans sa conception expliquant cette non-adhésion. C’est le cas avec L’Enlèvement de Marco Bellocchio, cinéaste ayant repris à Moretti auprès de la critique française la statut de dernier porte drapeau de l’âge d’or du cinéma italien. Est-ce parce que le film, basé sur une histoire vraie comme disent les Américains, serait académique ? Bellocchio n’a de toute manière jamais été un créateur de formes, sans pour autant être taxable d’académisme. On retrouve d’ailleurs ici le mélange de picturalité du cadre, de sobriété de la photo et d’élans lyriques ou oniriques vus dans Vincere.
En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape Pie IX font irruption dans la maison des Mortara pour enlever Edgardo, leur fils de 6 ans. Ce dernier ayant été baptisé en secret alors qu’il était malade, la loi pontificale lui impose en effet une éducation catholique. Bellocchio dénonce la cruauté du Pape Pie IX, la mainmise de l’Église catholique sur la société de l’époque, le poids des superstitions religieuses pour tenir la société italienne du XIXème siècle, l’antisémitisme en soutane avec son argument du « Peuple Juif déicide » en vogue à l’époque… Sauf que tout ceci aurait peut-être eu plus d’impact il y a quelques décennies.
Mais peut-être aussi n’est-ce pas là le sujet central du film, qui montre, souvent via un montage alterné, deux récits parallèles. D’un côté, la lutte laborieuse de la famille Mortara qui trouvera son aboutissement lorsque les répercussions mondiales de l’affaire influenceront en retour le développement de l’unité nationale italienne. De l’autre un Edgardo acceptant et intégrant son embrigadement, au point de ne pas les renier quand le vent tournera, quitte à fâcher sa famille.
Un symbole d’une Église catholique gardant sa mainmise sur une partie de l’opinion ? Surtout celui d’une unité nationale italienne déjà brinquebalante lors de sa constitution, de fractures qui sont en partie à la source des fractures contemporaines du pays. Un sujet déjà beaucoup creusé par le cinéma Italien, entre autres par Visconti (Senso, Le Guépard) et plus récemment par Martone (Frères d’Italie). Et auquel Bellocchio n’apporte pas à mes yeux quelque chose de neuf. Peut être le film manque-t-il aussi d’un vrai souffle de mise en scène ?
Mais bon, la grande œuvre du cinéaste sur les Années de Plomb étant encore récente, je ferai preuve d’indulgence. A noter qu’est sorti simultanément en salles un autre Bellocchio, Marx peut attendre, très bon documentaire datant de 2021 sur le frère jumeau du cinéaste mort à 29 ans.
Ordell Robbie