The Guru Guru se pose des questions existentielles avec force basse, batterie et guitares. Des rythmes syncopés, des chansons rock, moins noise que d’habitude, mais toujours bien composées, bien arrangées, pleines d’une énergie contagieuse. Un groupe qu’il ne faut pas perdre de vue !
Il faut bien l’admettre, le rouge aux joues quand même, et reconnaître son ignorance: il y a quelques heures, pour moi, The Guru Guru n’existaient pas. Le nom n’évoquait absolument rien, et donc pas même de la musique. Ce n’était même pas un nom. Mais, heureusement, grâce à une chaleureuse recommandation (merci, Marion) et à une hésitation (Merci, Eric), le retard est rattrapé. Et la frustration d’avoir manqué les premiers albums du groupe est largement compensée par le plaisir qu’il y a à rattraper son retard en une seule fournée. En commençant par P-C-H-E-W, le premier album sorti en 2017, déjà, puis continuant avec le second LP, celui de 2022 (Point Fingers), deux très bons disques. Deux albums pleins d’énergie et de force, de rythmes martelés par une batterie toujours bien présente et de guitares sonores à souhait, avec une voix mise en avant, avec de bonnes mélodies, mais aussi ce qu’il faut de cris et de hurlements pour que le tout sonne bien lourd — The Guru Guru ne donnent pas ans le heavy metal, le hard rock ou une des variations de ces genres, plutôt du rock, mais tapent fort quand même. Oui, c’est fort et mélodique, énergique et quelquefois violent. Mais, on l’a dit et on le répète, c’est bien bon !
On ne peut d’abord que remarquer la manière que le groupe a de jouer avec les mots – Jack Shit/Jackpot, second morceau de l’album, ou Lemon-aid, Lemon-cello (bear dance), la 3ème piste… et on pourrait continuer comme ça avec quasiment tous les titres. Celui de l’album n’est pas si mal non plus, reprenant un petit refrain que l’on commence à entendre de plus en plus régulièrement (faut-il vraiment continuer à faire des enfants ?? L’espèce humaine est quand même la seule capable de se poser ce genre de question…). Le morceau éponyme de l’album laisse assez peu de doute quant au message : « You don’t have to dance / You don’t have to shake hands, just / Make less babies / You don’t have to make amends / Just give everyone a chance and /Make less babies » (Vous n’êtes pas obligé de danser / Vous n’êtes pas obligé de serrer la main, juste / Faites moins de bébés / Vous n’avez pas à faire amende honorable / Donnez simplement une chance à chacun et / Faites moins de bébés). Il faut dire que cet album est entièrement imprégné d’urgence climatique… avec pas mal d’humour quand même, comme sur Saint Tropez, « We’re gonna have to sell the house / We’re gonna have to sell the house in Saint-Tropez /’Cause we’ve got bills to pay up here » (Il va falloir vendre la maison / Il va falloir vendre la maison à Saint-Tropez / Parce qu’on a des factures à payer jusqu’ici !). Mais, non, en fait, ce n’est peut-être pas drôle.
Côté musique, l’album commence est probablement plus pop et moins noisy que les précédents, même s’il y a des morceaux qui tapent plus que d’autres. En fait, la plupart des titres mélangent plusieurs ambiances, plusieurs rythmes, apaisés quelquefois, plus violents, d’autres fois, plus heurtés. Souvent, les guitares sont présentes, alourdissant l’atmosphère. S’il y a quand même un instrument qui marque, c’est la basse, très présente, elle assure le rythme (soutenu comme sur le très entraînant Not Awake (the Baseballs), l’entrée dans l’album, ou sur le très syncopé Jack Shit/Jackpot, second morceau de l’album, ou encore celui qui suit, Lemon-aid, Lemon-cello (bear dance).
Les mélodies sont assez souvent aussi déclamées, ce qui les rend plutôt addictives, prenantes ; le genre qui peut titiller l’oreille parce que c’est entre le chant et la déclamation. Et il y a quelques chansons qui sont bien plus calmes et lentes que d’autres : Supply on demand (sunshinin’ on my dinin’), par exemple, est presque léger, et un peu de soleil semble alors poindre dans la grisaille générale de l’album. Il y a aussi Saint-Tropez ou le très beau Oh me (I can’t complain), une simple guitare sur presque tout le morceau, une mélodie claire qui coule, mélancolique, mais cela donne une des chansons les plus belles de l’album !
Make (less) babies se termine avec un assez long morceau, Joke’s on you (under over), de plus de 5 minutes, qui commence lentement (encore une fois porté par la basse), avant que le rythme ne s’accélère, s’amplifie avec la batterie… Les autres instruments s’invitent les uns après les autres, le volume monte, avant d’exploser. Il se dégage une grande force de ce titre, plus mélodique, moins heurté que les autres…
Alain Marciano